Le Canada accueille les antiviraux comme une nouvelle arme pour lutter contre la pandémie de COVID-19 et atténuer le débordement de nos hôpitaux et des unités de soins intensifs (USI). L’approbation par Santé Canada de Paxlovid, l’antiviral de Pfizer, a suscité une réaction enthousiaste chez de nombreux politiciens, médecins et journalistes. Cet appui du rôle clé des antiviraux s’impose depuis longtemps.

Dans sa précipitation d’acheter rapidement des vaccins, le Canada a négligé d’élaborer en même temps une stratégie pour développer des antiviraux. Nous devons rattraper le temps perdu.

Il est urgent que le gouvernement du Canada mette sur pied un organisme solide, stable et voué à la production d’un plus grand nombre d’antiviraux de façon à répondre à son engagement d’améliorer la réponse mondiale aux pandémies.

Les antiviraux sont essentiels pour mettre fin à la pandémie et remettre le Canada sur la voie d’une nouvelle normalité. Une plus grande variété d’antiviraux sera nécessaire pour éviter que le SARS-CoV-2 devienne résistant aux médicaments.

Lorsque l’AZT a été approuvé en 1987 comme traitement pour le VIH, il s’agissant de la seule thérapie disponible. Aujourd’hui, 35 ans plus tard, il existe plus de 30 médicaments et leurs utilisations combinées permettent de mieux gérer les symptômes et d’éviter la résistance thérapeutique.

Traiter des personnes infectées dès le diagnostic peut réduire la charge virale et diminuer la transmission aux contacts immédiats, ce qui représente un grand avantage pour la santé publique. Ceci a été démontré par la trithérapie avec le VIH et le Tamiflu pour la grippe. Le traitement antiviral atténue en outre la gravité des symptômes, ce qui soulage le patient, diminue la durée du séjour à l’hôpital ou à l’USI et réduit les coûts des soins de santé.

Nous avons également besoin de traitements pour les patients qui souffrent des symptômes résiduels de la COVID longue, notamment fatigue chronique et fibromyalgie, séquelles cardiovasculaires, atteinte rénale, anxiété ou dépression.

Quelle forme l’initiative antivirale canadienne devrait-elle prendre ?

La découverte et le développement d’antiviraux supplémentaires nécessiteront des investissements de niveau comparable à ceux de l’achat de vaccins.

Comme première initiative, le Canada a récemment annoncé un investissement de 18,5 millions de dollars par année afin de créer le Centre pour la recherche sur la préparation en cas de pandémie et d’urgence sanitaire. La mission de ce centre est large et, bien qu’elle comprenne le développement et la mobilisation de la recherche sur la réponse élargie en cas de pandémie, le Centre ne sera pas en mesure de produire les thérapies antivirales essentielles à une réponse adéquate en cas de pandémie.

Quelle autre initiative devrait être prise alors pour atteindre les objectifs ?

Nous sommes d’avis que le Canada devrait créer une nouvelle entité hautement ciblée, prenant la forme d’une collaboration mondiale pour la découverte et le développement d’antiviraux. Cette entité aurait pour mission d’établir une avenue, sans but lucratif, pour que les découvertes d’universitaires donnent naissance à des thérapies antivirales applicables aux patients.

Nous suggérons qu’une telle entité comporte deux composantes : un organisme de recherche ciblé consacré au développement d’antiviraux et intégré à un nouveau « Réseau de centres d’excellence » (RCE Canada) axé sur la découverte d’antiviraux.

Le Canada devrait lancer d’urgence un appel d’offres pour ce nouveau RCE afin de réunir des universitaires détenant une expertise en chimie médicinale, biologie structurale, pharmacologie et virologie et capables d’inventer de nouveaux antiviraux.

Les participants à ce nouveau RCE travailleraient en partenariat avec des centres canadiens existants comme le Laboratoire national de microbiologie ainsi que ses laboratoires de biosécurité de niveaux 3 et 4 pour des essais précliniques et la nouvelle usine de fabrication du Conseil national de recherches du Canada, à Montréal. Toute entente de collaboration entre ces organismes – ou autres – devrait être respectueuse des politiques et des pratiques de la science ouverte.

Les institutions et les scientifiques du Canada pourraient ainsi participer véritablement aux efforts déployés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) par le truchement de l’Accélérateur ACT avec des budgets s’élevant à des milliards de dollars. Une telle collaboration avec des pays à revenu faible ou intermédiaire favoriserait une préparation plus adéquate et une meilleure réponse mondiale en cas de pandémie. Une tentative de découverte de nouveaux traitements contre la COVID-19 a été surnommée « COVID Moonshot ». Il s’agit d’un projet de collaboration internationale lancé sur Twitter visant à découvrir des agents thérapeutiques.

Même si ce projet a réussi rapidement à trouver des médicaments candidats, ses promoteurs ont pris conscience du fait qu’ils en sont maintenant à une étape charnière. Il y a un urgent besoin d’accès aux capitaux nécessaires pour mener à terme de nombreux essais réglementés, ainsi que pour fabriquer et distribuer des antiviraux dans le monde entier qui seront assujettis aux approbations par les organismes de réglementation.

La communauté mondiale a présumé depuis trop longtemps que l’industrie pharmaceutique prendrait la coûteuse relève et s’est résignée à payer les prix exorbitants qui en découlent. L’expérience du groupe « COVID Moonshot » met en lumière la nécessité de créer une avenue sans but lucratif pour le développement de traitements résultant de collaborations entre universitaires.

Avec une telle collaboration mondiale dirigée par le Canada pour la découverte et le développement d’antiviraux, notre pays ferait œuvre de pionnier.

* Jeremy Carver est professeur émérite à la faculté de médecine de l’Université de Toronto et Michel Chrétien est professeur émérite de recherche à l’Institut de recherches cliniques de Montréal.

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