Depuis le 1er février, les produits de la section laitière au supermarché coûtent plus cher, et la Commission canadienne du lait refuse toujours de rendre publiques les données qui justifient ces hausses records.

Il va sans dire que le lait et la crème comptent parmi les denrées importantes de notre alimentation. Quant au fromage, au yaourt et au beurre, le ménage moyen devra dépenser de 10 % à 15 % de son budget alimentaire pour se les procurer. Depuis février, notre amour pour les produits laitiers est mis à rude épreuve, puisque la plupart d’entre eux coûtent beaucoup plus cher.

La Commission canadienne du lait (CCL) a recommandé l’automne dernier une hausse d’au moins 8,4 % du prix du lait payé aux producteurs. Pour le beurre, la hausse dépassera 12 %. On assiste vraisemblablement à la plus importante hausse annoncée en plus de 50 ans. En vertu de notre système de gestion de l’offre, la société de la Couronne doit recenser plus de 200 producteurs laitiers annuellement afin de connaître les coûts réels de production à la ferme. Une fois les données recueillies, elle effectue une moyenne et détermine un revenu juste et équitable pour nos producteurs.

Toutefois, peu de gens savent exactement d’où proviennent les chiffres présentés par la CCL et peu de gens connaissent l’existence de cette Commission, et encore moins son fonctionnement. Cette société de la Couronne dirigée par quelques personnes affiliées à l’industrie laitière appartient à tous les citoyens canadiens et emploie plus de 80 personnes. Son mandat très public lui donne le pouvoir d’influencer l’abordabilité alimentaire au Canada, du moins pour les produits laitiers.

Pour cela, la Commission a évidemment un devoir de transparence qu’elle enfreint chaque année puisque les commissaires prennent des décisions sans nécessairement rendre publiques des informations claires et précises.

Outre un bref communiqué sur les coûts de production qui augmentent, la Commission ne diffuse aucun détail qui justifierait une telle hausse. Le recensement n’étant pas obligatoire, l’échantillonnage comprend possiblement des fermes moins performantes, favorisant ainsi les producteurs qui veulent des prix plus élevés. Impossible de le savoir. D’ailleurs, la CCL n’a pas révélé la nouvelle de cette hausse sans précédent, il aura fallu que les médias s’en mêlent pour faire connaître la décision. Sans tambour ni trompette, la Commission a simplement affiché un court texte de 300 mots sur sa page web que personne ne consulte.

Le prétexte de la confidentialité

Elle indique dans son communiqué que les coûts de certains intrants ont augmenté ces derniers temps, ce qui a poussé la Commission à aller de l’avant avec une recommandation record. Possible, mais elle ne fournit aucun détail ni aucune donnée pour appuyer sa décision. Les commissaires se cachent derrière des contrats qui assurent l’anonymat des producteurs agricoles. C’est de la frime, puisqu’en recherche, il est toujours possible de divulguer des chiffres en cachant l’identité des participants à une enquête. Cela se fait depuis toujours, mais la CCL refuse de diffuser ses données primaires en utilisant l’argument de la protection de l’anonymat des fermes participantes.

Contrairement à d’autres produits alimentaires, en raison du régime de quotas sanctionné par l’État, le lait devient ni plus ni moins un bien public. Rien de moins. Alors, pour le lait, l’approche doit être différente.

En transformation, cette augmentation obligera certaines entreprises à augmenter leurs prix. Avant la période des Fêtes, la grande firme du secteur laitier Lactalis a annoncé qu’elle augmentait ses prix de 15 % auprès de ses clients, les détaillants alimentaires auprès de qui nous achetons nos produits laitiers. Bien évidemment, le prix de plusieurs produits laitiers augmentera dès février. Le Québec, la seule province au Canada à réglementer le prix du lait au détail, a tout de même vu le prix du lait augmenter de 4 % à 6 %, dès le 1er février. C’est la Régie des marchés agricoles et agroalimentaires du Québec qui en a décidé ainsi, mais son annonce au début de décembre est passée tout à fait inaperçue, comme celle de la CCL. Encore une fois, les médias ont effectué le travail pour la Régie, car le manque de transparence et de volonté d’informer le public s’avère injurieux.

Le Canada pris en défaut

Entre-temps, le tribunal nord-américain qui règle les litiges de commerce entre le Canada, les États-Unis et le Mexique a récemment statué que le Canada bloque injustement l’entrée de certains produits laitiers destinés au marché canadien. En s’engageant à offrir une plus grande place aux produits étrangers sur le marché canadien afin d’offrir des prix compétitifs aux consommateurs d’ici, les quotas d’importation offerts par Ottawa sont accordés à des entreprises qui ont un lien avec la production laitière. Bien évidemment, celles-ci n’ont aucune motivation d’importer des produits d’ailleurs, aucune. Les prix et les parts de marché pour leurs propres produits pourraient diminuer. Autrement dit, le Canada s’est fait prendre à tricher auprès des Américains. Belle image. Le Canada a jusqu’au 3 février pour se conformer.

La victoire des Américains contre le Canada risque d’embarrasser notre production laitière, ailleurs dans le monde. L’humiliation canadienne auprès des Américains incitera des pays comme la Nouvelle-Zélande, l’Australie et certains pays européens à poursuivre le Canada.

En attendant, Ottawa fait preuve d’hypocrisie. Le manque de transparence et d’ouverture pour mieux servir le public ne dérange aucunement la classe politique canadienne. Personne ne dit rien. Nous allons simplement continuer à payer davantage pour notre or blanc sans vraiment savoir pourquoi.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion
En savoir plus
  • 8,4 %
    Hausse du prix du lait payé aux producteurs recommandée par la Commission canadienne du lait
    15 %
    Hausse annoncée par la firme Lactalis auprès des détaillants alimentaires