Je suis une enseignante de troisième année du primaire à La Prairie, sur la Rive-Sud de Montréal. J’exerce une profession que j’adore depuis maintenant une vingtaine d’années. De plus, j’ai la chance de travailler dans un milieu choyé.

Cependant, depuis quelques années, je déchante de plus en plus dans l’exercice quotidien de mon métier. Je suis en effet renversée par le manque de reconnaissance envers les enseignants et les enseignantes qui se manifeste dans la population de plus en plus ouvertement.

Pourtant, l’enseignement à nos jeunes enfants est à la base même d’une société bien organisée. Tout autant que nous sommes, médecins, infirmières ou infirmiers, comptables, avocates ou avocats ou autres, nous sommes tous passés par les mêmes bancs de l’école au primaire.

À mon désenchantement s’ajoute le fait qu’une proportion significative de mes collègues est fatiguée et à bout de souffle depuis le début de la pandémie.

Je ne suis certainement pas la seule à avoir l’impression de me retrouver parmi les laissés pour compte. Une grande importance a été accordée, avec raison, au personnel soignant et travailleurs de première ligne. Ils furent parmi les premiers à être vaccinés et des bonifications salariales leur ont même été accordées.

Je suis en total accord avec tout cela. Mais pourquoi nous, les enseignants et enseignantes du primaire qui sommes en contact direct avec les jeunes et qui sommes exposés quotidiennement à cette partie de la population la moins vaccinée, n’avons-nous pas obtenu ce même accès rapide aux vaccins ou aux tests rapides ? Croyez-vous vraiment qu’il est possible de garder 2 mètres de distance avec plus d’une vingtaine d’enfants dans un local de classe ?

La relève se fait désirer

Je suis inquiète pour la relève de ma profession. Il est vrai que je n’ai pas à demander de vacances en été ou lors de la période des Fêtes, mais une enseignante ne gagne même pas 50 000 $ par année au début de sa carrière malgré quatre années d’études universitaires. J’ai deux filles et je ne leur conseillerais pas d’exercer ce métier tellement son prestige d’antan a disparu.

Le recrutement de nouveaux enseignants est si pénible qu’on permet maintenant à un étudiant ayant une seule session de complétée à son bac en enseignement ou ayant échoué l’examen de français de venir faire du remplacement. D’autres professionnels n’ayant pas les compétences requises se retrouvent également à enseigner aux enfants. Comment en sommes-nous venus là ?

J’aimerais également que les parents comprennent notre réalité et qu’ils parlent en bien de nous à leurs enfants. Ils doivent faire équipe avec nous et avoir confiance.

L’enseignement aujourd’hui n’est plus seulement une question d’instruction et d’éducation puisque nous épaulons les parents dans leur travail pour bien élever leurs enfants.

Les enseignants du primaire doivent se sentir valorisés et respectés. Cette profession doit recommencer à intéresser les jeunes.

Mon plus grand souhait est de retrouver ce sentiment de fierté qui m’habitait au début de ma carrière. Je crois encore qu’il s’agit d’un merveilleux métier, celui qui me passionne, mais je suis inquiète de voir que ma difficile réalité décourage de plus en plus de jeunes de devenir enseignants au primaire.

Au bout du compte, ce sont nos enfants qui en paieront le prix.

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