La pandémie a soufflé les repères de plusieurs secteurs de l’activité économique du restaurateur et rendu ses pratiques courantes obsolètes, créant ainsi un sentiment d’isolement et de stress. Cette tension est clairement présente dans l’industrie de la restauration et elle est même ressentie chez la clientèle.

C’est pourquoi il faut remettre en question les activités du restaurateur et rappeler aux clients l’importance des enjeux pour la pérennité des acteurs de ce secteur économique.

Qu’est-ce qui a changé au juste pour le restaurateur ? Rien n’a été épargné.

La crise sanitaire a provoqué des fermetures, des changements quant aux processus d’affaires et une mutation du rôle du gestionnaire vers celui de bricoleur. Depuis les fermetures répétées des restaurants en raison des mesures sanitaires, cette période a été une succession de rodage perpétuel et de réapprentissage organisationnel constant. Cependant, sans canevas défini ou modèle de référence robuste en appui à cette démarche, il est fort possible que ces nouvelles pratiques n’atteignent pas leur plein potentiel sur le plan de la création de valeur.

Nous disons des restaurateurs qu’ils sont passionnés, mobilisés et créatifs. En fait, la réouverture des restaurants est plutôt synonyme de fatigue, d’endettement et d’ajustements obligés.

Les restaurateurs que nous avons étudiés arrivent à réaliser des avancées par l’entremise de trois rôles clés⁠1 :

Collaborateur : attirer des clients, retenir et motiver une équipe, collaborer avec les fournisseurs, maintenir et développer son réseau de collaborateurs et de clients et son activité sur les réseaux sociaux ou sur d’autres plateformes de même type ;

Metteur en scène : ce rôle du restaurateur s’est défini durant la période étudiée, c’est celui de revoir les façons de faire. Avant la COVID-19, les processus étaient synonymes de standardisation. Aujourd’hui, l’expérimentation caractérise les processus et la prise de décision. Il n’y a plus de one size fits all. Pour les plus âgés d’entre nous, rappelez-vous au milieu des années 1970, le théâtre est passé d’une forme connue à une forme appelée alors « création collective ». Avec 50 ans de retard sur le théâtre, la restauration doit revoir son modèle ;

Contrôleur : voir à la qualité et au maintien des standards, tant au niveau du service que des coûts opérationnels, du personnel, des denrées, de la salubrité, des équipements et du loyer. La rentabilité de chacune des transactions a pris la place du volume à tout prix.

Et le client dans tout cela ? C’est lui qui profite de ce gain de flexibilité.

Pourquoi se déplacer au restaurant ?

Pour le client, le restaurant demeure un lieu pour prendre un repas, mais qui, en plus, dans les circonstances actuelles, reconfirme son rôle d’espace social incontournable. Rappelons-nous que la restauration, à l’origine, était un lieu d’accueil ; c’est encore le cas aujourd’hui ! On l’a peut-être escamoté quelque peu en raison de l’importance obligée accordée aux livraisons, aux commandes à l’auto ou encore des multiples façons de virtualiser la transaction.

La qualité de l’accueil a un prix et le client covidien reconnaît les lourdes charges financières du restaurateur.

Plus qu’un art, la restauration, c’est un domaine d’entrepreneurs où la générosité doit se conjuguer avec la rentabilité – des invités, oui, mais aussi des clients. C’est une relation d’affaires à consolider pour le bien-être de chacun.

La société d’aujourd’hui, engourdie par la pandémie, n’a pas laissé de côté son obsession pour la vitesse : tout va plus vite, notre horaire, l’épicerie en ligne, nos services bancaires sur le web, les cours à distance, et plus encore. Peut-on souligner à nouveau l’importance de soutenir les restaurateurs en se déplaçant au restaurant, se procurer des repas, les saluer ou partager une expérience en salle à manger pour arrêter le temps ?

La restauration ne peut se résumer à la contribution du PIB d’un état appuyé sur la robustesse de la chaîne d’approvisionnement, sur la qualité du secteur agroalimentaire. Il faut considérer que la restauration est un vecteur de l’identité culturelle du Québec et le miroir de notre modèle d’hospitalité. Soutenir les restaurateurs pour enfin commencer à réduire le stress partagé et vivre un peu plus comme si le restaurant était un lieu qui contribue à la santé de ses clients.

Le petit feu, c’est assez.

1. Étude du GastronomiQc Lab, unité mixte de recherche ITHQ-Université Laval, portant sur les modèles d’affaires en restauration indépendante au Québec en temps de COVID : résultats préliminaires, novembre 2021

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