Mardi, la Première Nation de Williams Lake, en Colombie-Britannique, annonçait avoir trouvé 93 emplacements potentiels qui contiendraient les dépouilles d’autant d’enfants autochtones près du pensionnat pour Autochtones St. Joseph’s Mission. Seulement 14 des 470 hectares ont été étudiés à ce jour.

Les histoires reliées à ce pensionnat sont difficiles à entendre. Le chef de la Première Nation de Williams Lake, Willie Sellars, en a relaté plusieurs, dont la tentative de suicide par empoisonnement de neuf enfants en 1920. Un en est mort. D’autres enfants sont morts de froid en essayant de se sauver. Le chef n’hésite pas à nommer les vérités « intentionnellement occultées » : viols, torture, famine, sévices et meurtres. Des vérités cachées par la dissimulation des faits et la destruction des dossiers par le gouvernement, les autorités policières ou religieuses, selon M. Sellars. Je vous épargne les vérités encore plus dures.

Au Québec, des consultations se préparent du côté de Mani-utenam où le pensionnat Notre-Dame a vu près de 200 enfants arpenter ses corridors entre 1952 et 1971. Ces consultations permettront aux survivants de décider ce qui doit être fait pour la suite des choses.

Du côté de l’Abitibi, une demande de recours collectif s’organise pour faire reconnaître le pavillon Notre-Dame-de-la-Route qui a logé des enfants de Kitcisakik entre 1975 et 1991. Ce lieu, qui était exploité à la manière d’un pensionnat, a été exclu de la Convention de règlement des pensionnats indiens puisque, selon le gouvernement, il ne répondait pas aux critères desdits pensionnats alors qu’on n’y dispensait pas d’enseignement. En effet, les enfants se déplaçaient chaque jour dans une communauté voisine pour aller à l’école. Pourtant, l’établissement où l’on vivait 10 mois par année comme dans les autres pensionnats était aussi financé par le gouvernement fédéral comme dans les autres pensionnats et dirigé par un religieux comme dans les autres pensionnats. Son dirigeant, le père Edmond Brouillard, sera d’ailleurs reconnu coupable en 1995 d’attouchements sur des enfants. Bonnet blanc, blanc bonnet.

PHOTO COLE BURSTON, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Un agent de police des Six Nations utilise un radar sur le terrain du Mohawk Institute à Brantford, en Ontario.

À ce jour, les dépouilles potentielles d’enfants autochtones retrouvées s’additionnent dans tout le pays. Le gouvernement fédéral annonçait d’ailleurs cette semaine un financement de 10 millions de dollars pour procéder à des fouilles du côté des Six Nations, plus précisément pour le Mohawk Institute. Là, on parle d’un énorme établissement qui a vu passer 15 000 Autochtones en ses murs. Insuffisant pour toute la recherche qui doit être faite, selon les dirigeants du projet. Un début.

Mais au-delà des chiffres ? Il reste quoi ?

Si la découverte des tombes non marquées de Kamloops se veut la nouvelle de l’année 2021, que reste-t-il une fois que nous savons cela, une fois le choc initial passé ?

Que faisons-nous de ces histoires, de ces faits, de ces traumas et de ces vérités ? De tels nombres qui s’additionnent ainsi ne finissent-ils pas par nous engourdir ? Et si on ne voulait plus regarder ?

Je suis trop jeune pour être allée au pensionnat. J’ai par contre entendu bon nombre de récits de gens qui y ont vécu. J’ai vu des vies brisées par les secrets, noyées dans des litres de honte : la vie des pensionnaires, de leurs enfants et de leurs petits-enfants. Des cicatrices qui se transmettent telle une tache de naissance indélébile.

J’ai été en colère et j’ai crié toute ma rage. Je me suis demandé pourquoi on ne parlait pas davantage de la responsabilité des hommes et des femmes qui ont commis ces atrocités. Je ne comprenais pas.

Puis j’ai écouté.

Ce n’est pas à moi de décider ce qui doit être fait. Ce n’est pas aux chefs non plus, si vous voulez mon avis. Il y a des espaces dans lesquels la politique n’a pas sa place. C’est aux survivants de choisir. À chacun d’entre eux de dessiner son sentier.

Je crois fermement en cette idée de guérison, une guérison qui se traduit différemment pour chacun des survivants, tantôt par un rapprochement avec le territoire ou des cérémonies traditionnelles, tantôt par une psychothérapie, fréquemment quelque part entre les deux. Parfois en solo, souvent ensemble. Chacun son chemin de guérison. Seulement, pour guérir, les choses se doivent d’être dites, j’en suis convaincue. Elles doivent aussi être entendues. Sinon, ça sert à quoi de parler si on ne nous croit pas ? L’affaire des dépouilles anonymes aura servi à ça. À ce qu’on entende les survivants. Enfin. À ce qu’on comprenne les réalités un peu mieux. À ce que l’on juge moins, peut-être. Espérons que toutes ces vérités révélées, aussi difficiles qu’elles soient à entendre, permettent enfin au soleil de percer.

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