En réponse au texte de Gabriel Arsenault, « L’homme qui plantait des arbres », publié le 12 décembre.

Je suis loin de partager la vision que Gabriel Arsenault, professeur de sciences politiques de Moncton, a exprimée dans un texte paru dans La Presse le 12 décembre⁠1, où il remet en question l’opportunité de planter massivement des arbres dans le contexte de la lutte contre le réchauffement climatique.

Son but semble être de critiquer le gouvernement libéral de Justin Trudeau pour un manque de leadership en matière de réduction de gaz à effet de serre (GES), mais il y aurait bien d’autres blâmes, plus pertinents, à lui adresser à ce chapitre.

Il existe un large consensus dans la communauté scientifique sur le fait que les arbres captent le dioxyde de carbone durant la majeure partie de leur croissance et qu’ils le séquestrent tant qu’ils n’ont pas entamé leur processus de décomposition naturelle. M. Arsenault appuie son argumentaire en sens contraire sur un rapport de Ressources naturelles Canada qui démontre que nos forêts émettent depuis quelques années plus de CO2 qu’elles n’en capturent.

Le même rapport précise cependant que ce bilan négatif est essentiellement dû à la multiplication des incendies, des ravages causés par les épidémies d’insectes et les chablis, c’est-à-dire les déracinements d’arbres causés le plus souvent par les vents violents.

Pas moins de 1,4 million d’hectares de forêts ont été brûlés au Canada en 2018. En 2021, le bilan provisoire s’établit à plus de 3 millions d’hectares, l’Alberta et la Colombie-Britannique ayant été les provinces les plus éprouvées. Une récente étude de ce même ministère fédéral établit un lien entre les changements climatiques et les incendies de forêt extrêmes d’origine naturelle dans plusieurs régions du globe.

Nous avons battu des records en matière d’incendies au cours des 10 dernières années parce que l’augmentation de la température et la diminution de l’humidité relative dans l’atmosphère créent une situation propice à ces désastres dits « naturels », mais qui sont en grande partie imputables à l’activité humaine.

Le bon réflexe consiste non pas à ralentir la plantation d’arbres, mais bien à l’accélérer pour compenser ces pertes et les inverser à moyen et long terme, tout en multipliant les mesures de protection des forêts matures existantes. Celles-ci sont de plus en plus convoitées par l’industrie forestière en quête de bois d’œuvre destiné à l’exportation. En ce sens, les initiatives citoyennes qui naissent dans certaines provinces afin de protéger les forêts anciennes sont tout à fait louables. Davantage d’aires naturelles protégées sont indispensables au maintien de la qualité de vie dans toute collectivité.

On ne peut pas critiquer les gouvernements de vouloir planter des milliards d’arbres, mais plutôt de tarder à réaliser leurs promesses, comme c’est le cas au Canada.

Sur les deux milliards d’arbres que le premier ministre Justin Trudeau s’était engagé à faire planter en 2019, seulement 8,5 millions l’ont été, selon les données du gouvernement obtenues en décembre dernier grâce à une demande d’accès à l’information.

La régénération forestière ne représente bien sûr qu’une partie de la solution, ou plus exactement du remède, et sur ce point, je ne peux qu’abonder dans le sens de la conclusion de M. Arsenault : il faut s’attaquer en priorité à la réduction du carbone à la source. Cet objectif implique de revoir notre modèle de développement économique basé sur la surconsommation et le gaspillage des ressources.

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