Le 22 décembre, Projet Montréal a dévoilé sa proposition de budget pour l’année 2022. Après une année au cours de laquelle la violence armée et la violence policière ont souvent fait les manchettes, les Montréalais étaient curieux de voir comment le nouveau budget aborderait le problème complexe de la sécurité publique. Malheureusement, le budget ne réglera ni l’un ni l’autre de ces problèmes et pourrait même les aggraver au cours de l’année à venir.

Au cœur du budget proposé se trouve une augmentation spectaculaire des dépenses policières. Le budget de fonctionnement du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) augmentera de 45 millions de dollars en 2022, deuxième augmentation en importance dans l’histoire de ce service (qui date de 2002). Combinée au nouveau financement de la police du gouvernement du Québec annoncé au cours de la dernière année, il s’agit de la plus importante augmentation jamais enregistrée pour le service. Cette nouvelle somme permettra au SPVM d’embaucher 122 nouveaux policiers, s’ajoutant à ce qui est déjà le plus grand corps policier par habitant parmi les grandes villes canadiennes – 35 % plus grand que la police de Toronto. Le budget comprend également une augmentation de 20 millions de dollars de l’investissement en capital pour le SPVM sur cinq ans.

Cette augmentation record survient au milieu des appels continus à réorienter les dépenses policières vers les programmes communautaires. Lors de la consultation publique sur le budget de l’an dernier, 73 % des Montréalais ont indiqué qu’ils souhaitaient voir le budget de la police diminuer – un résultat que Projet Montréal a choisi d’ignorer. Un an plus tard, lors de la consultation publique pour le budget 2022, le parti a simplement éliminé la question des dépenses policières. Sans un nouveau sondage, il est clair que la réaffectation du financement de la police reste la principale revendication des groupes qui cherchent à éliminer le racisme et la violence policière. Comme le soutient l’auteure et militante Robyn Maynard, l’augmentation des budgets de la police révèle l’hypocrisie des élus qui, au milieu des manifestations historiques de Black Lives Matter en 2020, ont promis d’apporter de réels changements.

L’ironie est que certaines des nouvelles dépenses policières sont décrites comme une réforme. Le gouvernement du Québec a promis 25 millions de dollars cette année pour améliorer « le lien de confiance… entre la population et nos corps policiers », tandis que Montréal a prévu 16,5 millions de dollars en 2022 pour équiper les policiers de caméras corporelles et, encore une fois, « consolider le lien de confiance avec les citoyens ». En fait, les 16,5 millions de dollars ne couvrent que le coût de la technologie, et Projet Montréal a admis qu’il faudra plus d’argent en 2023 pour embaucher le personnel policier requis pour gérer les vidéos produites par les caméras.

Cet argent, cependant, ne changera pas la police de manière positive. Une décennie de recherche montre que les caméras corporelles ne réduisent pas le racisme ou la violence policière, et sont le plus souvent utilisées contre les citoyens.

Le plus ardent partisan des caméras corporelles est le SPVM, qui croit que la technologie aidera à contrer l’impression négative créée par « la diffusion d’extraits d’interventions policières par des tiers (citoyens et citoyennes) sur différentes plateformes numériques ».

Alors qu’il ne s’attaque pas au problème de la violence policière, le budget ne fait pas grand-chose non plus pour lutter contre la violence armée. Valérie Plante a déclaré que l’augmentation des dépenses permettra aux policiers d’« être encore plus proactifs », mais l’idée que la police peut prévenir la violence armée repose sur des prémisses défectueuses. Le SPVM prétend fréquemment que la saisie d’armes à feu prévient la violence. Cependant, cela suppose que les gens possèdent des armes afin de les utiliser contre les autres (plutôt que pour se protéger). Cela suppose également, comme la guerre contre la drogue qui a été un échec, que l’offre d’un produit potentiellement nocif peut être réduite à un point tel que la demande n’a pas d’importance. Les chiffres du SPVM lui-même suggèrent le contraire. L’opération intensifiée du SPVM contre les armes à feu en 2021 a réussi à saisir seulement 14 armes à feu de plus que l’année précédente (607 contre 593).

Les études attestent clairement que la prévention de la violence nécessite des programmes et des services communautaires. Cela nécessite des programmes qui abordent les conditions sociales qui conduisent les gens à la violence et travaillent avec les personnes à risque de commettre des actes violents pour les guider vers une autre voie. Bien que ce travail ne puisse empêcher tous les actes de violence, il peut en empêcher une bonne partie – et c’est la seule approche qui peut le faire. Ce travail a par ailleurs l’avantage d’aborder la violence sous ses diverses formes, y compris les féminicides (7 des 37 homicides en 2021) et les meurtres commis sans arme à feu (la moitié des homicides de 2021).

Malgré son efficacité, la prévention communautaire de la violence demeure massivement sous-financée à Montréal.

L’organisme avec le plus d’expérience dans ce domaine, le Café jeunesse multiculturel de Montréal-Nord, a vu son financement municipal réduit à zéro en 2021. Le budget proposé pour 2022 ne fait pas grand-chose pour résoudre ce problème, allouant seulement 5 millions de dollars à la prévention communautaire (une augmentation de 2,6 millions de dollars par rapport à 2021). De nombreux Montréalais s’attendaient à ce que ce budget s’attaque à la violence armée. Cependant, il offre 20 fois plus d’argent frais à la police qu’à la prévention communautaire de la violence.

À au moins deux égards donc, le budget de Projet Montréal fait le contraire de ce qui est requis. À une époque de revendications sans précédent de réduction du financement de la police, le budget prévoit une augmentation historique. À un moment où tout le monde veut voir une prévention efficace de la violence, le budget ne prévoit que 2,6 millions de dollars de nouvelles dépenses. Un changement de direction, un virage complet à 180 degrés, s’impose pour faire de ce budget un véritable outil de sécurité pour tous les Montréalais.

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