En tant que médecins œuvrant à l’intersection de la santé humaine et de la planète, nous avons été ravies de voir le National Health Service (NHS) du Royaume-Uni s’engager à atteindre la carboneutralité d’ici 2040, avec l’ambition de réduire de 80 % son empreinte environnementale avant 2028-2032.

Pourquoi le NHS a-t-il décidé, en plein milieu d’une pandémie, de contribuer à la lutte contre les changements climatiques, reconnus par l’Organisation mondiale de la santé comme la plus grande menace sanitaire du XXIe siècle ? La réponse simple : la loi britannique sur les changements climatiques.

Cette loi, adoptée en 2008, fournit un cadre général pour les politiques climatiques du pays, permettant de contrer notre tendance naturelle à privilégier les crises à court terme plutôt que la prévention des catastrophes à long terme. La loi exige que les élu(e)s établissent, tous les cinq ans, des budgets carbone juridiquement contraignants, servant de points d’appui, afin d’atteindre l’objectif de 2050. Ces budgets sont décidés 12 ans d’avance.

Les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Royaume-Uni ont diminué de 43,8 % entre 1990 et 2019. Au contraire, celles du Canada ont augmenté de 21,4 % 1,2. Notre pays a fait des progrès climatiques lamentables pendant si longtemps qu’il nous est rendu difficile de croire que le succès est possible. Pourtant, il l’est.

Il n’y a pas de pilule miracle pour purifier notre atmosphère ; en tant que médecins, c’est d’une meilleure politique que nous avons besoin pour protéger la santé des gens.

Heureusement, il y a un projet de loi C-12 sur la responsabilité climatique à l’étude. C-12 est notre meilleure chance de nous doter d’une loi climatique, ici, au pays. Malheureusement, tel qu’il est rédigé présentement, le projet de loi est insuffisant.

Nous avons vu ce qu’une loi efficace peut faire : au Royaume-Uni, les budgets carbone contraignants ont permis d’améliorer l’efficacité dans le secteur des soins de santé de façon spectaculaire3. Les émissions du NHS ont chuté de 18,5 % entre 2007 et 2017, tandis que les niveaux d’activité clinique ont augmenté. À l’automne dernier, le NHS a publié un plan de 70 pages bien documenté qui décrit comment il va atteindre la carboneutralité. Au Canada, nous n’avions même pas de mesure de l’empreinte carbone de notre système de santé avant 2018.

Consultez le plan du National Health Service (en anglais)

Notre expérience en tant que médecins ayant été au front dans les derniers mois est que les gens du pays sont courageux, drôles et intelligents, et qu’ils se soucient profondément de la santé de leurs enfants. Nous n’avons pas besoin d’être de meilleures personnes pour commencer à connaître des victoires climatiques : nous avons besoin de meilleures politiques.

Un rapport, venant tout juste d’être publié par l’Institut canadien pour les choix climatiques, démontre qu’à peine 20 % des établissements de santé ont procédé à des évaluations de la vulnérabilité climatique dans une optique d’adaptation aux inondations, aux incendies de forêt et aux vagues de chaleur. Conjointement, la réduction de la pollution atmosphérique et des émissions de GES permettrait de sauver des vies : en suivant une trajectoire vers l’atteinte de la carboneutralité, les coûts sanitaires liés à la pollution atmosphérique pourraient fondre de 8,3 milliards de dollars en 2015 à environ 1 milliard de dollars par an d’ici à 20504.

Consultez le rapport de l’Institut canadien pour les choix climatiques

Récemment, nous avons constaté avec joie que le comité parlementaire sur l’environnement a ajouté au projet de loi C-12 des objectifs à court terme, conformément à ce que réclamaient plus de 30 organisations en santé du pays, sous le leadership de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement.

Consultez la lettre ouverte de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement (en anglais)

Le succès de la loi britannique repose essentiellement sur le fait qu’elle comprend un groupe d’experts scientifiques, dont des experts issus du secteur de la santé, qui disposent de leur propre secrétariat et de leur propre capacité de modélisation. Jusqu’à présent, au Canada, nous avons réuni un groupe d’intervenants relevant du ministre de l’Environnement. Toutefois, afin d’atteindre les objectifs désirés, C-12 doit être amendé de façon à confirmer la création d’un organisme indépendant d’experts scientifiques, qui rend ses comptes au Parlement, et non seulement au ministre de l’Environnement. Également, dans les prochains budgets fédéraux, nous demandons à voir un financement rehaussé afin que le comité puisse adéquatement analyser les politiques climatiques canadiennes de manière à confirmer si celles-ci sont adéquates ou insuffisantes.

La loi doit également être modifiée afin qu’elle s’aligne de façon explicite avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Les savoirs traditionnels autochtones sont une expertise essentielle.

Enfin, nous demandons au Sénat de rapidement procéder à l’étude du projet de loi C-12 afin que la loi puisse entrer en vigueur plus tôt que tard.

Aplatir la courbe des émissions de GES est critique pour assurer la santé de la population, comme nous l’avons fait collectivement pour la COVID-19. Les enfants à travers le pays ont fait des sacrifices importants au cours des derniers mois pour nous aider à vaincre cette pandémie. Il est temps de protéger leur santé (et, en même temps, la nôtre !) en adoptant le projet de loi C-12 sur la responsabilité climatique plus forte.

1. 2019 UK Greenhouse Gas Emissions, Final Figures, du Department for Business, Energy and Industrial Strategy

2. Sources et puits de gaz à effet de serre : sommaire 2021, du gouvernement du Canada

3. Sustainable Health Equity : Achieving a Net Zero UK, du Climate Change Committee

Consultez le rapport

4. A Hidden Benefit of Net Zero ? Cleaner, Healthier Air, de l’Institut canadien pour les choix climatiques

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