Levée du couvre-feu et ouverture des terrasses. J’ai rendez-vous avec des amis au parc La Fontaine. Nous discutons, rattrapons le temps perdu. Mon amie me demande quel est le sujet de mon mémoire de maîtrise. Je lui réponds qu’il porte sur le respect des mesures sanitaires dans le contexte de la pandémie de la COVID-19.

Tandis que je présente mon projet de recherche, je réalise qu’il se matérialise sous mes yeux : nous sommes six amis agglutinés autour d’une petite table à pique-nique. Nous ne portons pas de masque. En fait, nous ne pensons pas à respecter les règles sanitaires !

C’est précisément ce type de comportements que j’ai observés dans le cadre de ma maîtrise. Une de mes études a démontré que les gens sont moins enclins à adhérer aux mesures sanitaires lorsqu’ils sont en présence de leurs amis et des membres de leur famille.

Dans une enquête en ligne que j’ai menée auprès de 1759 personnes, j’ai demandé aux répondants d’imaginer qu’ils assistaient à un évènement social, soit un concert extérieur dans un parc sous un chapiteau. J’ai précisé à certains participants qu’ils devaient se représenter en train de participer à l’évènement avec leurs proches, et à d’autres, qu’ils y participeraient avec des inconnus.

Les participants à qui j’avais indiqué qu’ils interagiraient avec leurs proches ont révélé qu’ils avaient moins l’intention de respecter la distanciation physique que ceux qui imaginaient interagir avec des inconnus.

De plus, les participants qui devaient interagir avec des membres de leur famille ont déclaré qu’ils avaient moins l’intention de porter le masque que ceux qui devaient interagir avec des inconnus.

J’ai pu constater que ces différences de comportement pouvaient s’expliquer par la confiance que nous portons à nos proches. D’ailleurs, alors que j’exposais ce phénomène, un de mes amis s’est exclamé : « Ah oui, on a confiance que nos proches font attention, on sait que ce ne sont pas des caves ! ». Un autre a ajouté : « Oui et quand ça fait un an ne que tu n’as pas vu ta famille, ce n’est pas évident de respecter les mesures à la lettre. »

Le grand paradoxe

Il est difficile de réprimer notre besoin de nous rapprocher physiquement des gens que nous aimons. Toutefois, sachant qu’un fort pourcentage de porteurs de la COVID-19 sont asymptomatiques, en agissant de la sorte, ne mettons-nous pas en danger ceux qui nous sont le plus chers ? Mon ami venait de mettre le doigt sur le grand paradoxe que révèle mon étude : la confiance en ceux que nous aimons nous porte à les exposer à davantage de risques.

Lorsque nous nous retrouverons dans une situation similaire, peut-être devrons-nous faire davantage attention à ce faux sentiment de sécurité. Ainsi, nous pourrons nous assurer que confiance ne rime pas avec insouciance !

*Son mémoire de maîtrise est codirigé par la professeure de psychologie sociale Roxane de la Sablonnière et la chercheuse postdoctorale Anna Dorfman du Laboratoire sur les changements sociaux et l’identité (Université de Montréal). L’étude présentée dans le texte s’inscrit dans un projet de recherche visant à étudier les conséquences sociales de la COVID-19 sur les Canadiens et les Canadiennes.

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