Vous ne devriez pas vous précipiter à signer quoi que ce soit si un vendeur de voitures d’occasion vous dit : « Pas besoin d’inspection, faites-moi confiance. » 

C’est pourtant l’approche que les libéraux ont adoptée pour tenter de faire passer le projet de loi C-10 cette année.

Pour ceux qui ne le connaissent pas bien, le projet de loi C-10 est la plus récente tentative du gouvernement Trudeau de soumettre les plateformes web au joug réglementaire du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. L’objectif est d’assurer une meilleure « découvrabilité » de certains types de contenu en soumettant les plateformes web à la Loi sur la radiodiffusion.

Le problème, selon bon nombre d’experts, est que le projet de loi, dans sa forme actuelle, pourrait donner au CRTC le pouvoir de réglementer non seulement les plateformes, mais aussi le contenu généré par les utilisateurs des médias sociaux.

Tel que le note l’ex-commissaire au CRTC Peter Menzies, le projet de loi parle de réglementer les médias sociaux, mais ne définit même pas ce qu’est un média social.

En l’absence de définitions, il en reviendrait donc aux responsables non élus du CRTC de créer leurs propres définitions et d’établir eux-mêmes les limites de ce qu’ils peuvent réglementer.

L’un des grands risques ici, selon le professeur en droit de l’internet Michael Geist, est que le contenu produit par les utilisateurs de médias sociaux soit considéré comme du contenu de « programmation » par le CRTC, et puisse donc être sujet à cette réglementation.

C’est le même risque que relève l’avocate Cara Zwibel, directrice du programme des libertés fondamentales pour l’Association canadienne des libertés civiles.

Pas des peccadilles

Les questions sur la réglementation du contenu généré par les utilisateurs ne sont pas des peccadilles. Elles touchent directement les dizaines de millions de personnes qui ont des comptes de médias sociaux, y compris les milliers d’hôtes de balados, de vidéastes et musiciens amateurs, et d’écrivains en herbe qui vivent ici.

Pourtant, tout ce que trouve à répondre le ministre du Patrimoine canadien, Steven Guilbeault, revient à 50 variations sur le thème de « faites-nous confiance ».

Lorsqu’un projet de loi crée les conditions nécessaires pour réglementer ce que les Canadiens et Canadiennes font sur leurs plateformes de médias sociaux, « faites-nous confiance » n’est pas exactement la réponse la plus rassurante.

Avec son critère de découvrabilité, le gouvernement crée en quelque sorte deux catégories de contenu sur le web : celui qui est favorisé par le gouvernement fédéral, et le reste. Le contenu favorisé par le gouvernement se retrouverait donc plus haut dans votre fil Facebook, dans vos recommandations sur Spotify et dans vos propositions Netflix.

En quelque sorte, cela permet donc au CRTC de dicter aux médias sociaux quel contenu vous recommander, et quel contenu mettre à la page 10.

Ce genre de changement revient à ouvrir la boîte de Pandore. Imaginez que le pire gouvernement des dernières années avait ce pouvoir. Lui feriez-vous confiance pour ne l’utiliser qu’à bon escient ?

Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-10 est beaucoup trop vague. Trop de questions légitimes restent sans réponse.

En ce moment, le Bloc et le NPD semblent se satisfaire du « faites-nous confiance » de Guilbeault. Il n’y a pas d’empressement, pourtant. Au lieu de prendre le gouvernement au mot, nos représentants élus doivent prendre le temps d’obtenir les réponses que les Québécois et Québécoises méritent.

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