En août 2020, le ministre Bonnardel s’inquiétait des coûts d’expropriation liés aux centaines de dossiers en litige sur le parcours de la ligne bleue. Plus récemment, en considération de ces coûts, un groupe d’action a été formé dans le but de déterminer les changements à apporter au projet. L’idée de réduire le nombre de stations a été évoquée.

Ce processus s’inscrit dans une vision traditionnelle d’implantation des transports collectifs où la réflexion se concentre sur l’aspect transport sans considération pour la planification du développement urbain. Tout converge afin que l’État devienne propriétaire pour construire ses installations de transport. Y a-t-il une autre approche possible ? Et dans l’affirmative, avons-nous pris les moyens pour la favoriser ?

Une autre approche

Le prolongement de la ligne bleue se fera en souterrain. Il faut bien sûr prévoir des moyens pour y accéder. Mais l’État doit-il devenir propriétaire foncier ? Doit-il se réserver les droits aériens ? Évidemment, la réponse est non et même les exploitants des réseaux de transports collectifs en conviendront. Malheureusement, la conception en vase clos des projets et des travaux nécessaires pour les réaliser domine toujours et nous éloigne d’un projet de transport à valeur urbaine ajoutée.

Directement au-dessus de la station, on peut vouloir construire des logements, des bureaux, des commerces, une école, une bibliothèque, etc. Mieux encore, pour favoriser une densification attrayante, on peut envisager pour un même immeuble des usages variés : services publics et services privés. Avant même de choisir où sera situé l’accès à la station souterraine, les autorités doivent établir, avec leurs experts en urbanisme et en analyse économique, les priorités d’aménagement du quartier qui apparaîtra dans la foulée du nouveau service. Puis, il faut associer les investisseurs privés, les propriétaires en premier, à défaut, ceux identifiés par appel de propositions, pour qu’ils réalisent ensemble la trame urbaine du quartier. Autant que possible, il faudrait planifier en même temps la conception des travaux en souterrain, ceux en surface, puis ceux des espaces aériens.

À l’heure des TOD [Transit Oriented Development], il ne devrait plus être question de « saisir » le terrain directement au-dessus de la station pour installer uniquement un édicule et un stationnement.

L’urgence climatique plaide pour une densification adaptée afin d’éviter l’étalement urbain. C’est d’abord autour des stations et le long du parcours que cette densification doit être planifiée. Elle en devient d’autant plus attrayante que ses usagers bénéficient d’un accès direct aux transports collectifs et d’un milieu urbain amélioré. Comme un cercle vertueux, cette densité accrue justifie alors l’arrivée de services commerciaux privés et d’investissements publics connexes.

Comment faire autrement ?

Dans le cas de la ligne bleue – qui se fait attendre depuis si longtemps –, il ne peut être question d’attendre l’élaboration d’un programme fonctionnel et technique pour définir ce que l’on souhaite réaliser au-dessus des stations.

Cela dit, convenons que le groupe d’action gouvernemental connaît lui-même les limites de l’approche en vase clos puisqu’on y retrouve surtout des acteurs en transport.

Dans son analyse des coûts du prolongement de la ligne bleue, le groupe devrait bénéficier d’une expertise urbanistique et économique et associer les propriétaires visés pour mesurer le degré d’intérêt à la mise en valeur des droits aériens. À défaut d’une entente, le groupe pourrait faire des appels de propositions invitant d’autres développeurs désirant y participer.

Cette approche faciliterait la transformation urbaine sur le site des stations et aurait un effet d’entraînement pour réaliser la suite du redéveloppement de corridors urbains complets, le long des parcours. En associant l’implantation du réseau de transport à la planification urbaine et en invitant les investisseurs privés à y concourir en amont, nous serons mieux équipés pour réaliser un développement attractif dans le respect des principes d’une aire TOD, soit des projets immobiliers denses et mixtes contribuant à accroître l’usage des transports collectifs et à en optimiser l’investissement.

Cela dit, pour le REM 2.0, le prolongement de la ligne orange, le tramway de Lachine ou la desserte Taschereau, il n’est pas trop tard pour revoir les méthodes et commencer dès maintenant à planifier de véritables corridors urbains plutôt que de simples corridors de déplacements.

En procédant ainsi, le financement du développement des transports collectifs ne sera plus assujetti au poids de l’expropriation. Le promoteur du réseau de transport pourrait même y trouver une source de financement plus appropriée que la redevance qui a le démérite de pénaliser les bons comportements de densification en augmentant notamment les coûts des logements.

Le groupe d’action fait face à une première question : a-t-il toute l’expertise nécessaire pour proposer des solutions aux coûts d’expropriation liés au prolongement de la ligne bleue ? Sans pouvoir compter sur une vision du quartier à naître et sans évaluation du potentiel économique qui en découle, le groupe subira les travers de l’approche en vase clos. Il conclura peut-être qu’il faut moins de stations. En considération de la cible de neutralité carbone de 2050, ce serait très dommage.

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