La COVID-19 a mis en évidence et exacerbé les inégalités dans le monde entier. Plus d’un an après le début de la pandémie, les efforts de vaccination pourraient créer une nouvelle injustice à l’échelle planétaire. Dans ce contexte marqué par le nationalisme vaccinal et les débats sur la propriété intellectuelle et le transfert de technologies, l’égalité d’accès aux vaccins contre la COVID-19 est loin d’être assurée.

Les morts continueront ainsi de s’accumuler, des économies seront paralysées, et le relèvement mondial restera hors de portée.

Le fait que les vaccins aient été mis au point et homologués en un temps record montre bien tout ce que nous pouvons accomplir si nous travaillons ensemble. Ce même esprit de solidarité doit maintenant être mis à profit pour vacciner le monde entier. Il s’agit d’une tâche monumentale. Compte tenu de l’ampleur et de l’urgence de la situation, nous devons y consacrer un maximum de ressources. Le partage des technologies et des doses de vaccins est crucial, mais nous devons également prêter attention aux communautés oubliées des campagnes de vaccination.

Cela m’amène au cœur de mon propos. Comment pouvons-nous faire en sorte que le vaccin soit administré aux personnes les plus vulnérables, dans les régions difficiles d’accès, dans les États fragiles et dans les zones de conflit ? Même si les doses sont disponibles, payées et livrées, que signifie une couverture vaccinale efficace dans les montagnes de l’Afghanistan ou les forêts de l’Amazonie ? Sur le vaste territoire de la République centrafricaine ou de la République démocratique du Congo ? Ou dans des endroits où les populations sont majoritairement rurales et nomades ?

Le dernier kilomètre

Si je pose ces questions, c’est qu’en tant que directrice de l’UNOPS, l’entité des Nations unies spécialisée dans les domaines des infrastructures et des achats, je ne connais que trop bien l’importance fondamentale de la logistique du « dernier kilomètre ». Qu’il s’agisse de fournir des médicaments aux communautés des forêts d’Asie du Sud-Est, de distribuer de la nourriture, des masques et du gel désinfectant en canoë au Brésil, ou encore de parcourir les montagnes de l’Afghanistan pour faciliter l’inscription sur les listes électorales, la mise en œuvre d’initiatives dans des régions difficiles d’accès demande de l’ingéniosité et une grande faculté d’adaptation.

Lorsqu’il s’agit de vaccins, les contraintes relatives au transport signifient que tous les efforts déployés peuvent être anéantis lors de ce dernier kilomètre.

Par exemple, les pays pauvres font face à davantage d’obstacles dans leur gestion de la chaîne du froid, en raison d’une combinaison de facteurs comme le mauvais état des infrastructures de transport, l’accès limité à l’électricité pour le stockage des vaccins (y compris pour ceux qui ne nécessitent pas une conservation à très basse température) ou encore, des températures élevées en journée.

Parvenir à relever les défis logistiques de l’acheminement des vaccins, depuis les entrepôts jusqu’à l’ensemble de la population mondiale, est la clé du succès de ce qui constitue la plus vaste campagne de vaccination de notre histoire. Pour ce faire, il faut des systèmes de santé, des chaînes d’approvisionnement et des infrastructures de meilleure qualité, ainsi qu’un soutien logistique solide.

PHOTO DANIEL MIHAILESCU, AGENCE FRANCE-PRESSE

Une infirmière transporte une boîte contenant des fioles de vaccins Pfizer BioNTech et du matériel médical dans un village reculé de l’ouest de la Roumanie, Poienita Voinii.

La réussite dépend de nombreux facteurs, allant de la livraison des vaccins et la gestion des infrastructures de la chaîne du froid au recrutement et à la formation d’équipes de vaccination en passant par une bonne communication avec les communautés ainsi que par une gestion efficace des déchets médicaux produits par cette vaccination à grande échelle, afin d’éviter de polluer davantage les sols et les océans et d’aggraver la crise climatique.

Comme nous le savons, la complexité de ces facteurs augmente dans les environnements difficiles.

Nous avons une obligation morale – et économique – de réussir. Heureusement, cette vaccination de masse, bien que complexe, offre également la possibilité de bâtir des systèmes de santé plus résilients ainsi qu’un avenir meilleur.

L’héritage de cette pandémie

Si les infrastructures construites pour soutenir les efforts de vaccination sont durables, elles continueront à bénéficier aux communautés après la pandémie. De nombreuses solutions, par exemple des chauffe-eau solaires, des équipements de réfrigération ou encore des incinérateurs de déchets médicaux, peuvent ainsi soutenir les communautés à long terme.

Il y a plus d’un an, la pandémie exposait non seulement des inégalités aux conséquences mortelles, mais également d’importantes failles dans nos systèmes de santé, nos chaînes d’approvisionnement et nos plateformes logistiques. Aujourd’hui, nous avons le devoir de nous appuyer sur les leçons apprises depuis le début de la crise pour lutter contre l’inégalité d’accès aux vaccins et poser les bases de systèmes de santé plus inclusifs, résilients et durables aux quatre coins du monde.

Voici ce que pourrait être l’héritage de cette pandémie : un monde doté de meilleures infrastructures de santé.

Dans les pays où la vaccination a déjà commencé, beaucoup pensent entrevoir le bout du tunnel. La réalité est tout autre, et personne ne sera en sécurité tant que tout le monde ne sera pas immunisé. Nous devons unir nos forces pour assurer l’accès de tous et toutes au vaccin afin de sortir ensemble de cette période sombre. En cas d’échec, le chemin à parcourir pourrait être encore très long.

En 2020, l’UNOPS a mis en œuvre des projets d’une valeur totale de plus de 2,2 milliards de dollars, dont la majeure partie dans des États fragiles ou touchés par des conflits.

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