Avec la tenue d’une enquête publique sur les circonstances bouleversantes entourant le décès de Joyce Echaquan, je me suis permis une lueur d’espoir.

Je me suis dit que les manifestations de racisme à l’endroit des membres de nos communautés au sein du réseau de la santé seraient finalement dévoilées et prouvées. J’ai pensé que l’onde de choc généralisée causée par la mort de notre sœur Joyce mènerait à une prise de conscience collective, en dépit des nombreux rapports et commissions ayant pourtant dénoncé des situations de racisme systémique. J’ai osé croire que nous serions, en tant que société, rendus au moment décisif pour amorcer un véritable virage pour briser le silence qui enveloppe trop souvent les situations tragiques que vivent nos peuples.

Mais, avec les témoignages perturbants, troublants, devant la coroner Géhane Kamel, de celles et ceux qui devaient prendre soin de Joyce, je dois avouer que le doute m’habite.

Bien sûr, il fallait s’attendre à ce que ces audiences comportent leur lot de passages difficiles à entendre. Il fallait être préparé à ce que certaines personnes n’assument pas pleinement les conséquences funestes de leurs actes.

Par ailleurs, ce qui est dévoilé publiquement depuis deux semaines confirme ce que le juge Viens a entendu. Je n’en suis nullement surpris.

Le déni du racisme et de ses conséquences est inquiétant. Ce déni est dangereux et il se déguise trop facilement sous l’insidieux raisonnement de surface : « Évitons d’en parler pour que cela ne nous divise pas davantage. »

Pourtant, nombreux sont ceux qui ont reconnu l’existence de racisme systémique dans le réseau de la santé. D’autres insistent pour dire que cette réalité n’existe pas, qu’il ne s’agit que de quelques cas isolés. Alors, faut-il comprendre qu’avant de prendre les mesures radicales qui s’imposent, il faudrait accumuler les cas de racisme rapportés, filmés et étayés ? J’ose croire que non, même si plusieurs témoignages frôlent dangereusement la banalisation. Il y a de quoi s’indigner, malgré notre résilience comme peuples autochtones, face à l’innommable.

Le racisme, c’est d’abord et avant tout une tare de l’esprit. Il n’est pas nécessaire que des gestes soient commis pour que des gens souffrent. En ce sens, paradoxalement, l’inaction peut aussi s’avérer un geste raciste.

Je me demande si la réalité du racisme est perceptible aux yeux et dans le cœur des citoyens et citoyennes qui n’en sont pas les victimes. Ce qui est particulièrement inquiétant est le constat de l’immense fossé entre les témoignages des usagers et ceux du personnel du réseau de la santé indiquant que cette réalité leur est complètement inconnue. Est-ce que certains milieux de travail portent en eux des dispositions faisant en sorte que les gens qui y évoluent ne voient la réalité qu’à travers l’obscurantisme ?

Pourtant, ça existe. En mars dernier, des fonctionnaires autochtones ont dénoncé, sous le couvert de l’anonymat par peur de représailles, des situations d’hostilité à leur égard au sein des ministères qui les embauchent. Le rapport sur la réalité policière au Québec, rendu public la semaine dernière, révélait que les policiers autochtones ou issus de minorités ethniques rapportent dans une bien plus grande proportion avoir été témoins d’actes de racisme au sein des services policiers. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a reconnu et dénoncé, pas plus tard que vendredi dernier, le racisme et la discrimination systémiques que vivent les Autochtones, entre autres dans le système de santé.

Si on s’en donnait la peine, il y aurait sans doute plus d’une solution. J’ai le goût d’en proposer une. Les pratiques inspirantes guidées par le respect existent. Il faut en parler. Il faut les multiplier, mettre en pratique ces gestes collectifs et individuels respectueux de nos peuples, pour nourrir les efforts des institutions qui font le virage de la sécurisation culturelle. Reconnaissons le courage des institutions et organisations qui associent leur nom au Principe de Joyce. C’est l’horizon qu’il nous faut viser.

Alors que l’enquête de la coroner arrive à sa conclusion, malgré l’indignation et la colère, sachant que la mort tragique de notre sœur Joyce aurait pu être évitée, je crois qu’une volonté de procéder aux changements qui s’imposent, tant dans nos esprits que dans nos cœurs, est la solution.

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