Comme elle l’a fait dans le passé, la métropole doit lancer un nouveau grand chantier en habitation. Dans ce second volet, André Lavallée souhaite que Montréal reprenne l’initiative des grands projets.

Montréal peut et doit reprendre l’initiative sur le plan de l’habitation. Augmenter l’offre de logements abordables est un enjeu majeur, si l’on veut préserver un volet essentiel de la ville qu’on aime, sa mixité et la qualité de vie qu’on y trouve.

Voici quelques exemples de gestes qui devraient être faits.

Les exemples de projets de conversion réalisés avec succès sur la base des principes évoqués plus haut sont de plus en plus nombreux à Montréal : le quartier Angus, les anciens ateliers municipaux du métro Rosemont, les bassins du Havre.

Encore aujourd’hui, l’exemple presque parfait de reconversion est celui du monastère du Bon-Pasteur, rue Sherbrooke Est. Dans les années 1970, la Ville ne lui accordait aucune valeur parce qu’elle considérait que personne ne voudrait habiter au centre-ville de Montréal : le lieu a pourtant accueilli avec succès une coopérative d’habitation, des condos, un CPE, des bureaux, des locaux communautaires et des espaces verts ouverts au public.

La restauration des ensembles patrimoniaux n’est pas en reste. L’espace Fullum dans l’ancienne Maison des sœurs de la Providence, la résidence pour aînés Saint-Eugène sise dans l’ancienne église de Rosemont, le théâtre Paradoxe aménagé dans l’ancienne église Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours dans le Sud-Ouest, les équipements communautaires du site Sainte-Germaine-Cousin à Pointe-aux-Trembles sont autant de valeur ajoutée à des milieux de vie.

Un potentiel énorme

Montréal, les gouvernements et de grandes institutions publiques sont propriétaires d’un très grand nombre de sites et de grands ensembles dont le potentiel de développement est énorme. Le privé n’est pas en reste. À lui seul, l’est de Montréal compte des dizaines de millions de pieds carrés de terrains à décontaminer et à mettre en valeur. Sans parler des abords des stations du métro et des futures stations du SRB et du REM.

Mais la Ville a accumulé un retard majeur dans la mise à jour de son plan d’urbanisme et de ses règlements afférents. Hormis l’adoption de quelques plans particuliers d’urbanisme, les discussions se font à la pièce, lorsqu’un projet se pointe ou à l’initiative du milieu, le leadership est diffus et les délais s’additionnent. Pendant ce temps, autour de Montréal, à Longueuil, au DIX30, à Mont-Royal et à Pointe-Claire, des projets totalisant des dizaines de milliers de logements sont en chantier.

Le développement du site Blue Bonnets est à l’ordre du jour depuis 1992, la démolition du viaduc Van-Horne et la construction d’un millier de logements au métro Rosemont sur le site Bellechasse font du sur place depuis 10 ans.

Et qu’adviendra-t-il des grands ensembles institutionnels tels que l’Institut des sourdes-muettes, l’ancien hôpital Jacques-Viger, la portion gouvernementale de l’ancien Hôtel-Dieu, l’ancien siège social de la CSDM, les immeubles de l’ancien hôpital Royal-Victoria ? Leur sort redevient d’actualité de temps à autre quand on sent que leur avenir est menacé.

Et si la Ville, avec des experts et ses principaux partenaires, rédigeait pour chaque projet majeur un cahier de charges, avec des objectifs et des critères définis, des normes de mixité sociale et de fonctions, des paramètres financiers réalistes et des délais à respecter, elle pourrait lancer des appels à projets.

Pas question de faire une vente précipitée ! La Ville pourrait même se réserver le droit de refuser toutes les propositions reçues, mais on aurait l’impression d’avancer, non ?

Surenchère

Le phénomène de surenchère et de mise à l’encan – dans le neuf comme dans l’existant – a pris des proportions alarmantes depuis le début de la pandémie, au point où le marché du logement et les niveaux élevés d’endettement des ménages inquiètent la Banque du Canada.

Comment réguler un marché en folie ? La Ville n’y peut rien. Si les gouvernements reconnaissaient les faits, on pourrait commencer à discuter de solutions.

À Québec, anticipant la transformation des 80 centres commerciaux de la ville par l’ajout d’immeubles résidentiels, la Ville a décidé que la compétence de ce dossier relevait dorénavant du conseil municipal plutôt que des arrondissements.

Le maire de Québec a fait valoir qu’une vision d’ensemble des possibilités de réaménagement de ces sites était nécessaire pour permettre par exemple la construction de tours d’habitation ou de résidences pour aînés sur les stationnements.

À Montréal, à lui seul, le cas du centre commercial Boulevard situé à l’intersection du boulevard Pie-1X et de la rue Jean-Talon justifierait que Montréal accélère la définition de ses objectifs, étant donné tout le potentiel de développement qui viendra avec la station de métro prévue à cette intersection. Et ce n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres.

Le développement a besoin de temps. Commençons maintenant. Pour ce faire, Montréal peut et doit reprendre l’initiative !

*L’auteur a été responsable du premier plan d’urbanisme de Montréal et du premier plan de transport de l’agglomération, ainsi que secrétaire général adjoint du gouvernement du Québec pour la métropole.

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