Les audiences publiques du Bureau du coroner du Québec portant sur les circonstances de la mort de Joyce Echaquan se déroulent du 13 mai au 2 juin 2020 au palais de justice de Trois-Rivières. Une quinzaine de jours ont été prévus pour ces audiences et une cinquantaine de personnes doivent témoigner.

Joyce Echaquan, Atikamekw de 37 ans, est morte le 28 septembre dernier quelques minutes après s’être filmée en direct sur Facebook pendant qu’on entendait une infirmière et une préposée aux bénéficiaires tenir des propos racistes et blessants à son endroit. Au centre du drame, le Centre hospitalier régional de Lanaudière, à Joliette. La vidéo a choqué le pays en entier et soulevé des tonnes de questions.

Le coroner rédigera un rapport public présentant ses conclusions concernant les causes probables du décès et les circonstances du décès. S’il y a lieu, le coroner fera également des recommandations pour éviter tout décès semblable. Par contre, il ne faut jamais oublier qu’un coroner ne peut en aucun cas se prononcer sur la responsabilité civile ou criminelle d’une personne.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

La coroner Géhane Kamel

La coroner et avocate Géhane Kamel a été mandatée pour présider cette enquête publique. En passant, Mme Kamel s’occupe aussi des audiences portant sur les décès de personnes âgées ou vulnérables survenus dans les CHSLD du Québec durant la première vague.

Pas de petit dossier sur sa table de travail ! Le décès de Joyce Echaquan et les milliers de décès en CHSLD lors de la première vague COVID-19 ! Des dossiers qui ont frappé notre imaginaire collectif.

L’empathie et le franc-parler semblent être la marque de commerce de la coroner Kamel depuis le début des audiences le 13 mai dernier. Elle nous a enjoints de maintenir nos propos, de garder notre calme. Elle-même a été invectivée dans la rue en se rendant au palais de justice le premier jour.

Maintenir nos propos ! Garder notre calme ! Un effort presque surhumain pour nous tous lorsque l’on entend et écoute certains témoignages. Imaginez l’effet sur la famille et les amis de Joyce Echaquan !

Les deux employées qui ont tenu des propos horribles à l’égard de Joyce Echaquan et qui ont perdu leur emploi ne voient pas que ces propos sont remplis de préjugés. Lors de son témoignage, l’infirmière qui a notamment dit à une Joyce Echaquan en détresse qu’elle était « épaisse en câlice » et qu’elle était « ben meilleure pour fourrer » s’est même défendue en affirmant que ces insultes, prononcées sous le coup de la colère due à la fatigue, n’avaient rien à voir avec le fait que sa patiente était atikamekw. Elle l’aurait dit à n’importe quelle femme sur le BS avec beaucoup d’enfants. Misère ! Quel aveu ! Exaspérant !

Soudainement, la coroner devient la nouvelle. Imaginez, elle a souhaité à quelques témoins de faire ce qu’il faut pour trouver la paix intérieure.

À plusieurs reprises, la coroner Kamel a exprimé des doutes quant à la sincérité de témoins. Les réseaux sociaux se déchaînent. Des « spécialistes » de toutes sortes nous entretiennent sur le rôle d’un coroner, le compare avec celui de la magistrature. Ils nous parlent de devoir de réserve, d’objectivité et de sérénité. Ça augmenterait le sérieux de ses recommandations à venir. Mais on oublie Joyce ! La forme, c’est toujours plus intéressant que le fond !

Mardi dernier, en début d’audience, Me Géhane Kamel sent le besoin de revenir sur la semaine précédente. Elle nous dit que « ce fut une semaine difficile et chargée d’émotions pour tous ». Elle affirme avoir toujours respecté son devoir d’indépendance et d’impartialité. Je la crois sans l’ombre d’un doute.

Oui, certains de ses propos ont pu indisposer certaines personnes. Elle en est « vraiment et sincèrement désolée » et en prend acte « de façon sérieuse pour la suite des choses » ! Et allez hop, on recalibre afin de continuer dans « le calme, le respect et la sérénité ». Ce calme, ce respect et cette sérénité auxquels Joyce Echaquan a eu droit évidemment !

Un coroner a le droit de dire à un témoin qu’il ne le croit pas. J’ai moi-même entendu cette phrase à maintes reprises pendant ma longue carrière devant les tribunaux québécois. Et ce n’était pas toujours dit gentiment. Au moins, on savait à quelle enseigne logeait le juge sur le témoignage en question.

Le code de déontologie des coroners stipule qu’un coroner doit s’abstenir de tenir une enquête s’il manifeste de l’hostilité à l’égard d’une personne impliquée dans les circonstances du décès. Dire à un témoin « je ne vous crois pas » n’est pas une manifestation d’hostilité. C’est tout simplement un constat. Mais dire à Joyce Echaquan alors qu’elle est en détresse qu’elle était « épaisse en câlice » et qu’elle était « ben meilleure pour fourrer », ça, c’est particulièrement hostile et inhumain !

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