Il y a un an, alors que la pandémie battait à son plein, nous étions 1757 Québécoises1 à signifier au premier ministre notre engagement à rebâtir un Québec inclusif. Comme se plaît à le dire François Legault, nous apercevons aujourd’hui « la lumière au bout du tunnel », certes, mais nous avons aussi la conviction que le monde et le Québec ne seront plus jamais comme avant.

Au-delà du choc sanitaire, la pandémie fournit un éclairage neuf en accentuant les inégalités économiques, sociales, raciales et de genre, environnementales et climatiques qui y sont étroitement liées et que nous avons le devoir d’aplanir.

Un an plus tard, nous sommes forcées de constater que la relance qui se dessine ne tient pas compte de nos préoccupations. Ainsi, nous désapprouvons l’annonce du 17 mai sur la construction du tunnel à Québec (troisième lien), qui contrevient à l’esprit de votre Plan pour une économie verte 2030 (PEV). Nous n’aurions pu mieux dire que Marie-Hélène Vandersmissen, directrice du département de géographie de l’Université Laval, citée dans La Presse il y a quelques jours : « Ce projet-là me fait penser aux projets des années 1970 alors qu’on construisait des autoroutes à qui mieux mieux. Mais maintenant, on connaît les impacts sur l’étalement urbain et les coûts que la société doit payer pour ces choix. »

Dans une perspective d’inclusion, de justice et d’équité environnementale, calquer la relance verte sur des principes économiques d’une époque révolue sans les remettre en question est un rendez-vous manqué avec nos forces vives d’innovation.

Le Québec compte de précieuses ressources énergétiques, forestières, en eau et en minerais qu’il faut allouer durablement en protégeant les écosystèmes et la biodiversité, les territoires et leurs usages diversifiés ainsi que la qualité de vie des populations, et ce, sans altérer le climat ni favoriser la surconsommation et la surexploitation.

Nous réprouvons, par ailleurs, l’élargissement des pouvoirs conférés par le projet de loi 66, qui permet d’enfreindre certaines règles environnementales pour accélérer le traitement des dossiers d’infrastructures.

Le PEV doit d’abord viser une cible de réduction des gaz à effet de serre beaucoup plus ambitieuse pour atteindre la neutralité d’ici 2050. En outre, nombre de ses mesures, si elles sont appliquées sans différentiation, creuseront encore davantage les inégalités sociales.

Au-delà d’une relance centrée sur les infrastructures, nous devons bâtir un Québec innovant et inclusif porté par la résilience d’un filet social – composé majoritairement de femmes – fort et attractif. Comme jamais, nous avons pris conscience que le financement public des secteurs de la santé, de l’éducation, des services de garde et sociaux constituait l’investissement fondamental de notre société. Pour preuve, l’incidence positive des centres de la petite enfance sur l’accès des femmes au marché du travail, la diversité et la productivité de la main-d’œuvre québécoise sont abondamment démontrées, en plus d’inspirer une des mesures phares du budget fédéral.

À ce titre, nous appuyons la recommandation de la récente étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques, qui vise à attribuer au Secrétariat à la condition féminine la responsabilité de l’application systématique d’outils d’ADS+ (c’est-à-dire analyse différenciée selon le genre et l’intersectionnalité) dans la conception des politiques publiques soutenant la relance verte. L’évaluation des axes, des mesures et des actions du PEV sous l’œil de l’ADS+ permettra de les ajuster, au bénéfice de tous et de toutes.

Notre correspondance du 7 mai dernier au premier ministre du Québec met en lumière certaines mesures à prendre pour bonifier concrètement le Plan pour une économie verte 2030 à la lumière des questions de genre, d’équité environnementale et de justice sociale afin de rebâtir un Québec tourné vers des solutions d’avenir et véritablement inclusif.

1 Consultez la lettre envoyée au premier ministre en avril 2020

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