Vous souvenez-vous de la période où on se demandait si le gouvernement devait procéder à l’inoculation immédiate de toutes les doses disponibles de vaccin contre la COVID-19 ou en réserver la moitié pour la deuxième dose ? Québec a choisi de foncer, en nous assurant qu’il y aurait assez de doses en cours de route. Ottawa n’a pas dit mot.

Puis on a vu la décision de reporter la deuxième dose à 16 semaines. Cette décision visait à administrer rapidement une première dose à une grande partie de la population. On a pensé pouvoir se le permettre parce que la Grande-Bretagne avait fait le même choix. C’était une décision périlleuse étant donné qu’à ce moment, il n’y avait pas de données scientifiques permettant de conclure que la protection du vaccin allait au-delà des recommandations des fabricants, soit un écart entre les deux doses de quelques semaines seulement.

Par la suite, après la première vaccination des personnes plus âgées, surtout avec le vaccin d’AstraZeneca, les données les plus récentes concernant l’efficacité des autres vaccins semblaient être plus favorables pour Pfizer-BioNtech et Moderna, à tort comme on le sait maintenant. Certains commençaient à les exiger plutôt que d’être condamnés à recevoir le vaccin d’AstraZeneca, considéré comme inférieur.

Notons qu’à ce moment-là, la question du risque de thrombose n’avait pas encore été soulevée. Également, on était très loin de se demander si, pour la deuxième dose, on pouvait se servir d’un autre vaccin que pour la première.

Étant donné que la livraison de ces autres vaccins tardait, Québec faisait face à un choix difficile : réserver les doses reçues ou confirmées d’AstraZeneca pour ceux qui avaient déjà reçu une première dose ou continuer son utilisation massive pour les premières doses. Québec a décidé d’ouvrir les vannes d’AstraZeneca à d’autres groupes d’âge, tandis qu’Ottawa n’a pas levé la main pour nous avertir d’un risque de rupture de stock.

Les politiciens étaient dans l’obligation de plaider pour la qualité d’AstraZeneca et de rouler leur manche publiquement. J’étais parmi ceux qui se sont laissé convaincre (et je n’ai pas changé d’avis !). Même après l’apparition des premiers cas de thrombose, on a continué de planter les seringues dans les bras, étant donné que ce risque était nettement plus petit que celui de contracter la maladie.

Les doses manquantes

Or, on apprend que Québec a plongé sans vérifier s’il y avait de l’eau dans la piscine. Pour la plupart des premières doses d’AstraZeneca, la réception éventuelle de stocks suffisants pour une deuxième dose n’a jamais été confirmée. Les pays pouvant fournir le vaccin d’AstraZeneca, notamment la Grande-Bretagne, la Belgique et l’Inde, ont limité leurs exportations. Les seules fioles d’AstraZeneca que nous recevrons proviennent d’une petite allocation de la part de COVAX, ce beau programme destiné à aider les pays qui n’ont pas les moyens de se les payer. J’ai quasiment honte de vouloir en recevoir.

Aujourd’hui, il manque 300 000 doses pour la deuxième dose d’AstraZeneca au Québec. Si on avait arrêté son utilisation initiale 150 000 doses plus tôt, quelque part en avril, tous ceux qui ont respecté le mot du gouvernement seraient bientôt vaccinés deux fois avec le même vaccin.

Au taux actuel de vaccinations quotidiennes, cela implique un retard de moins de deux jours pour le programme provincial. Même en avril, on ne pouvait pas prétendre que cela menaçait les soins intensifs dans les hôpitaux ou un éventuel déconfinement.

Le 19 mai, le gouvernement a fait marche arrière, sachant depuis seulement quelques semaines que l’administration d’une deuxième dose d’un autre vaccin comporte peu ou pas de risque. On offre maintenant le choix d’un autre vaccin pour la deuxième dose.

Ceux qui préfèrent ne pas changer recevront l’AstraZeneca, s’il en reste suffisamment. Le fait que, dans les centres, leur date de vaccination est maintenue soulève des doutes : les dernières fioles, à recevoir en mai, ne tiendront pas jusqu’en août. Tant qu’à écouler des stocks, on devrait procéder au plus vite.

Le tout laisse un goût amer. Depuis quand les autorités de la Santé publique se permettent-elles de traiter la population comme des cobayes pour des raisons qui relèvent non pas du médical, mais de la politique provinciale, fédérale et internationale ?

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