L’auteure s’adresse au premier ministre du Québec, François Legault

Monsieur le Premier Ministre, pour la première fois dans l’histoire du Québec, il y a en ce moment un projet de loi à l’Assemblée nationale qui contient des règles de parité.

Pour la première fois depuis l’adoption du droit de vote des femmes il y a 81 ans, votre gouvernement a posé les bases afin d’incarner l’important droit d’éligibilité pour les femmes, complémentaire à celui d’exercer son vote. Cette avancée majeure, nécessitant peu d’articles de loi, a été incluse dans la proposition d’un nouveau mode de scrutin, le projet de loi 39, une réforme majeure de notre mode d’élection. Elle est passée inaperçue pour beaucoup de gens. Elle est cependant capitale, car, bonifiée et menée à terme, elle assurera un droit fondamental pour les femmes : celui d’assurer, pour l’avenir, leur représentation démocratique.

Pourquoi est-ce si important d’adopter ces dispositions sur la parité ? Même si les femmes ont atteint aux dernières élections un bon niveau de représentation à l’Assemblée nationale, rien ne garantit que cela soit acquis pour l’avenir. Il y a déjà eu des stagnations, même des reculs au cours de la dernière décennie. De nouveaux partis naissent et peuvent considérer la représentation des femmes comme une parure sans importance.

Sans obligation législative, on laisse au hasard la juste représentation des femmes. Et dès qu’il y a une conjoncture défavorable, comme celle que nous vivons avec la crise sanitaire, c’est souvent elles qu’on oublie et qui en paient le prix. On le voit aujourd’hui avec la croissance des féminicides, les pertes dans leurs secteurs d’emploi, la charge sur les épaules de celles qui éduquent nos enfants et soignent nos malades de la COVID-19.

Les femmes constituent plus de la moitié de la population. Elles travaillent, fondent des familles, des entreprises, innovent et contribuent à la société par leurs impôts, leurs soins, leurs idées. N’est-il pas normal qu’elles soient invitées à occuper une place aussi grande que celles des hommes dans les sphères électives ?

En participant pleinement à la prise de décisions, elles pourront mettre de l’avant les enjeux qui les concernent et trouver les solutions pour sortir de la crise et gérer l’avenir de notre société.

Tout est prêt pour que le Québec adopte sa propre loi sur la parité comme une centaine de pays dans le monde. L’opinion publique est en faveur d’une représentation paritaire des candidatures et des élus. Les partis politiques ont démontré aux dernières élections qu’ils pouvaient recruter des femmes. Et bien sûr, les femmes ne demandent qu’à partager la gouvernance avec les hommes.

Lors de l’adoption de principe du projet de loi, le 8 octobre dernier, la ministre Sonia LeBel a confirmé que le gouvernement était prêt à bonifier les articles sur la parité. Les partis de l’opposition sont aussi d’accord avec l’introduction de telles règles. Un grand nombre de groupes et d’intervenants comparaissant en commission parlementaire ont plaidé pour l’instauration de contraintes en matière de parité et pour leur adoption immédiate, à temps pour les élections à venir.

Nous en appelons donc à vous, Monsieur le Premier Ministre. Vous avez dit et redit que vous partagiez l’objectif de parité dans votre parti et au conseil des ministres. Vous l’avez démontré par des gestes concrets et audacieux. Quel que soit le sort réservé au projet de loi 39, nous vous demandons de vous engager à améliorer les articles sur la parité et à les mettre en vigueur pour les élections d’octobre 2022. Le temps presse. Bientôt, les partis politiques seront en plein recrutement pour les prochaines élections générales. Ne laissez pas passer cette occasion. Vous avez le pouvoir de réaliser un geste historique : garantir, une fois pour toutes, la parité à l’Assemblée nationale du Québec.

* Cosignataires, membres du conseil d’administration du Groupe Femmes, Politique et Démocratie : Esther Salomon, Alban D’Amours, Marie Lavigne, Jean-Pierre Charbonneau, Marjolaine Étienne, André Forgues, Marc Jeannotte, Diane Lavallée, Micheline Paradis, Marie-Claude Prémont et Carole Théberge

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