Les travailleurs québécois de la santé et de l’éducation (excluant les universités) attendent le renouvellement de leurs conditions de travail échues depuis le 31 mars 2020, soit depuis plus d’une année. Le contexte est celui d’une société en crise. Les politiciens sont abondamment captés par un seul dossier : celui de la pandémie. Pendant ce temps, les prix des produits explosent et le pouvoir d’achat des citoyens implose.

Par conséquent, le modèle traditionnel de négociation voulant que les syndicats fassent grincer leur roue, incitant ainsi le pouvoir politique à se compromettre, est en pause. Entre-temps, les syndicats prennent la mesure de l’impatience grandissante de leurs membres, déjà éprouvés par une pandémie sans merci. C’est dans ce contexte singulier que les syndicats fourbissent leurs armes. La prise des votes de grève en témoigne.

Du côté patronal, tout repose sur les épaules de François Legault, devenu, depuis le début de la pandémie, incontournable en toutes choses.

Invoquant une pénurie de main-d’œuvre, Legault avait décrété une hausse de salaire de 30 % chez des préposés aux bénéficiaires de certains CHSLD. Depuis, tous les salariés au bas de l’échelle salariale veulent voir leur rémunération substantiellement majorée.

Dans le secteur public, l’enjeu est d’abord financier. Le secteur de la santé compte 260 000 salariés et coûte annuellement 44 milliards de dollars. L’éducation embauche 140 000 travailleurs et représente une dépense annuelle d’un peu moins de 20 milliards de dollars. C’est un montant colossal d’environ 64 milliards de dollars sur des revenus étatiques annuels de 122 milliards. À eux seuls, les secteurs de la santé et de l’éducation (excluant les universités) représentent plus de la moitié de l’ensemble des dépenses de l’État. Chaque tranche de 1 % d’augmentation de salaire engage une dépense de 640 millions de dollars chez un gouvernement déjà endetté à la hauteur de 219 milliards.

Les demandes des infirmières

Pour comprendre l’enjeu syndical, il faut d’abord cogner à la porte des infirmières. Au nombre de 62 000 en santé, elles souhaitent que soit augmenté le ratio infirmière/patients et que l’État prenne davantage en compte leurs besoins familiaux, ce qui postule d’ajouter des congés sociaux. Mais sous l’angle patronal, ajouter des congés ne ferait qu’accroître une pénurie de personnel déjà exacerbée. Les infirmières plaident en outre en faveur d’une majoration salariale annuelle substantielle apte à redorer l’attractivité du métier. Cette exigence rend à l’avance obsolète l’augmentation salariale historique annuelle de 2 % dans le secteur public québécois. La balance des ressources humaines du réseau de la santé s’aligne, à divers degrés, sur les demandes des infirmières. Car leur vécu traduit aussi une situation de surcharge de travail dans le système de santé en crise marqué par une société vieillissante qui envoie quotidiennement dans les hôpitaux des patients davantage malades en nombre plus élevé.

Malchance ou signe du destin, cette tendance vers l’alourdissement de clientèle devrait durer au moins 20 ans. Autant dire que le système de santé est comme un vieux lit qui craque.

Dans tout cela, le secteur oublié est celui de l’éducation. Les professeurs veulent recevoir une meilleure attention de l’État spécialement sur le plan d’un rattrapage salarial, de l’ajout de ressources professionnelles, de la réduction de la précarité des jeunes professeurs et de l’élimination de disparités de traitement. En cas de grève, des services essentiels sont exigibles dans la santé. Mais curieusement l’éducation n’est pas considérée comme un service essentiel au Québec. Par conséquent, aucun service minimum n’y est requis lors d’une grève.

Le gouvernement joue publiquement une carte d’ouverture, prônant notamment une négociation rapide. À l’évidence, l’État est coincé entre la satisfaction des véritables besoins des travailleurs et l’urgence de contenir les dépenses publiques. Jamais les demandes des travailleurs n’auront été si légitimes et jamais les défis à surmonter, de la part de l’État, n’auront été aussi complexes. Les acteurs sociaux sont donc conviés à une négociation inspirée par la nécessité de protéger la pérennité de la charte sociale québécoise.

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