Québec solidaire tiendra son congrès cette fin de semaine. Bien qu’on ne doute pas que de nombreuses propositions y seront débattues, ce qui risque de retenir l’attention, c’est le branle-bas de combat concernant le Collectif antiraciste décolonial (CAD).

Ce n’est pas d’hier que les tensions existent autour de ce groupe, mais elles se sont accentuées depuis que le CAD a partagé les propos controversés d’Amir Attaran sur les réseaux sociaux, puis attaqué le chef du Parti québécois et un journaliste en les associant à la droite extrême.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Manon Massé, co-porte-parole de Québec solidaire

La direction de Québec solidaire (QS) a tenté en vain d’aplanir les différends, mais la tension a monté jusqu’au point où le CAD a accusé la formation politique de racisme systémique et de micro-agressions. Comme l’a rapporté Radio-Canada la fin de semaine dernière, « on exigera à ce regroupement de “se conformer aux statuts du parti”, à défaut de quoi il pourrait perdre son accréditation et cesser d’exister officiellement au sein du parti ».

Il est important de mentionner que ce type de collectifs n’est pas unique à QS. Le Parti québécois a vécu des expériences similaires après avoir permis la création de clubs politiques. On se souvient entre autres de débats houleux menés par le SPQ Libre (Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre).

Le fossé entre élus et militants

J’ai connu cette crise de croissance quand j’étais à l’Action démocratique du Québec (ADQ). Les membres fondateurs formaient la première cohorte de militants. Certains d’entre eux s’expliquaient mal que le parti prenne des positions moins campées au quotidien. Les cartes de membres se déchiraient aussi rapidement que les chemises parce que l’ancrage n’était pas encore profond.

Les élus doivent se prononcer sur tous les sujets, tous les jours à l’Assemblée nationale. Pour ce faire, ils s’appuient en partie sur le programme adopté par les membres. Mais le programme ne couvre pas tout. Les députés s’éloignent ainsi parfois de la base militante en prenant des décisions en caucus. Cela peut créer des tensions. Mais le CAD pousse plus loin. Il prend la parole avec une vision qui ne cadre pas avec la vision du parti.

Fragmentation

Cela dit, si tous les partis doivent composer avec un éventail de courants de pensée, Québec solidaire a un défi encore plus important. Il y a une déconnexion ou un manque d’adéquation entre certains messages, la base militante et l’électorat. Le parti, qui se présente comme indépendantiste, écologiste et féministe, doit composer avec un électorat fragmenté. Selon un sondage Léger publié en décembre 2020, seulement 35 % de l’électorat de QS se disait favorable à la souveraineté. Cet enjeu est pourtant un pilier de la plateforme du parti, particulièrement depuis sa fusion avec Option nationale.

En devenant la deuxième opposition, QS doit s’adapter à un rôle institutionnel qui va à l’encontre même de ses fondements. Le parti se présente comme un mouvement issu de la rue, bref, comme un parti antisystème. Or, il est maintenant dans le système. Il fait partie du système.

Gabriel Nadeau-Dubois s’y est d’ailleurs très bien adapté dans son rôle de leader parlementaire. Il ne faut donc pas se surprendre qu’il y ait des frictions et que la base militante du parti soit plus campée que l’électorat et même ses élus.

Est-ce que l’on risque de voir des claquements de portes cette fin de semaine ? Tout est possible. Bien que la chicane de famille risque fort de se dérouler à huis clos, à l’abri du regard des journalistes, comme nous y ont habitués les militants de QS.

Dans l’éventualité où le Collectif antiraciste décolonial gagne son pari et obtienne l’appui des membres, le caucus aura du fil à retordre. Si c’est l’inverse, Québec solidaire pourra poursuivre sa route, mais non sans égratignures après avoir été accusé de faire preuve de racisme systémique auprès de ses membres issus de la diversité.

L’enjeu de la fin de semaine sera donc de vider la question de la place du CAD au sein du parti. Bref, de finir de laver le linge sale ou de laisser des brassées traîner au lavomat… et on le sait, tout ce qui traîne se salit.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion