En janvier dernier, le journaliste américain Tom Brokaw a annoncé sa retraite de NBC News, où il a couvert les plus grands moments des 55 dernières années. Brokaw, aujourd’hui âgé de 80 ans, a été le visage de trois institutions du réseau, The Today Show, Meet The Press et Nightly News, le bulletin d’information du soir.

Mais de son riche héritage, on retiendra surtout ses nombreux hommages à la Greatest Generation, par l’intermédiaire de ses ouvrages, de ses reportages et de ses émissions spéciales. C’est la génération des personnes nées entre 1901 et 1927, celles qui ont connu la Grande Dépression et la Seconde Guerre mondiale. Brokaw a raison : c’est une génération qui mérite tous les honneurs.

Une autre génération à célébrer est la Z, soit celle composée de personnes nées entre 1997 et 2012. C’est la génération de Malala, de Greta et d’Amanda. C’est aussi celle des garçons qui ont porté la jupe dans plusieurs écoles de Montréal, l’année dernière, en appui aux filles et pour dénoncer la pression qu’elles subissaient en lien avec leurs tenues vestimentaires. Les filles de mon ami d’enfance Charles font aussi partie de cette génération.

Alors que la mienne et celle qui la précède — une génération de bâtisseurs — s’époumonent souvent dans des semblants de débats, la Z, elle, maîtrise à merveille les sujets qui semblent nous échapper. C’est probablement, notamment, parce que c’est une génération qui comprend les néologismes qu’elle utilise.

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« C’est la région de la Mauricie qui m’a vue naître et c’est là que j’ai passé les premières années de ma vie. Charles y était mon camarade de classe », écrit notre collaboratrice.

Je ne pourrais pas être plus montréalaise, mais c’est la région de la Mauricie qui m’a vue naître et c’est là que j’ai passé les premières années de ma vie. Une époque idyllique marquée surtout par une certaine insouciance et par une allégeance aux Nordiques. Charles y était mon camarade de classe. Il m’a récemment contactée pour prendre de mes nouvelles, mais aussi pour s’excuser de m’avoir baignée d’insultes, un jour dans l’autobus scolaire.

Et d’un seul coup, ma mémoire que je croyais d’éléphant m’a paru sélective. Je n’avais pas le moindre souvenir de cet épisode, ni de l’œil au beurre noir que Charles dit que je lui avais infligé à la suite de sa tirade. Ma maman, elle, avoue ne jamais avoir oublié.

Charles m’a parlé de son cheminement depuis le busgate. De son éveil, particulièrement depuis qu’il est papa, de celui depuis le mouvement #moiaussi et de celui de la dernière année. Je lui ai parlé du mien, également marqué par divers mouvements sociaux.

J’ai rappelé à Charles que nous étions plusieurs à avoir eu à réajuster certains de nos comportements, de nos choix de mots et de nos jugements. Cette évolution est un marathon, pas un sprint de 100 mètres.

L’ancien sénateur républicain John Warner, membre de la Greatest Generation et vétéran de deux guerres, a un jour écrit que la leçon retenue par sa génération était que nous étions plus semblables que différents et que nos agissements — les uns envers les autres — étaient aussi importants que toutes nos aspirations et que l’humilité était nécessaire pour nous tous. Quelle leçon retiendra ma génération ?

Le message de Charles m’a beaucoup touchée. Il l’a fait surtout pour ses filles. Elles sont chanceuses de l’avoir comme père. Il a eu le courage de nommer les choses — un courage que plusieurs n’ont pas. Ceux qui confondent la sémantique avec les principes et l’opinion avec la science sociale.

Dans quelques semaines, le premier ministre Justin Trudeau présentera des excuses officielles à la communauté italo-canadienne pour le traitement réservé à certains de ses membres lors de la Seconde Guerre mondiale. Cet important geste à venir rappelle les excuses officielles faites par le premier ministre aux descendants du navire Komagata Maru, dont les passagers d’origine indienne s’étaient vu refuser — en grande majorité — l’accès au Canada en 1914. En 2017, il y a eu les excuses officielles du gouvernement fédéral présentées aux anciens élèves des pensionnats indiens de Terre-Neuve-et-Labrador et celles faites aux Canadiens LGBTQ2, pour les injustices et persécutions subies dans le passé.

Je n’ai jamais compris le cynisme et les moqueries envers Justin Trudeau, que lui ont valu ses larmes et ses excuses aux personnes brimées. Je préfère cette sensibilité et ce souci à leurs contraires. L’énonciation des maux est essentielle dans le processus de réconciliation. Mais encore faut-il la vouloir. On ne peut pas changer l’histoire, mais on peut s’assurer qu’elle ne se répète pas, en reconnaissant les torts du passé. Elle est peut-être là, la leçon que retiendra la génération X — qui est aussi celle de Justin Trudeau.

En s’adressant à des étudiants du collège et conservatoire Oberlin en Ohio, quelques années avant sa mort, le Prix Nobel de la paix Martin Luther King, lui, avait dit que le moment présent était toujours opportun pour faire ce qui est juste. Mon ami Charles me l’a rappelé. J’ai hâte de le revoir et, surtout, de rencontrer ses filles.

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