En réponse au dossier de Marc Thibodeau et d’Agnès Gruda, « Répression des Ouïghours en Chine : du travail forcé dans votre t-shirt ? », publié le 19 avril

Un article intitulé « Du travail forcé dans votre t-shirt ? » publié le 19 avril dans La Presse a retenu mon attention. Je respecte toujours l’attention et les analyses des auteurs aux questions liées à la Chine. Mais je me questionne : comment le « travail forcé » s’est-il transformé, d’un seul coup, en un outil d’accusation contre la Chine et un « fait établi » sans aucune preuve solide ? Sur le roc ou sur le sable ? Je vous invite tous à une réflexion.

L’article s’est articulé à partir d’une « conclusion » du rapport d’Adrian Zenz, soit le « travail forcé des Ouïghours au Xinjiang ». Cependant, l’approche d’Adrian Zenz a été plusieurs fois critiquée pour ses abus des données, sa fabrication de fausses nouvelles, sa déformation des faits et sa sélection sélective des sources. Un site d’information indépendant américain, « The Grayzone », a révélé par exemple que M. Zenz avait remplacé le % par le ‰ en indiquant la croissance de la population d’un département, et ensuite, l’a prise pour celle de toute la population minoritaire au Xinjiang, alors que ce département représente seulement 4,4 % du territoire et 3,8 % de la population minoritaire totale du Xinjiang. Il y en a « en veux-tu, en voilà ». Sans parler qu’Adrian Zenz est membre d’une organisation louche financée par une agence de renseignement étrangère. Voilà comment les mensonges sont fabriqués.

Ce qui est plus incompréhensible, c’est que les mensonges crées par Adrian Zenz sont répétés et répétés. Mais en même temps, l’auteur français d’Ouïghours – Pour en finir avec les fake news, Maxime Vivas, qui a visité le Xinjiang en 2016 et en 2018, a subi sur l’internet des invectives, voire des menaces de ceux ayant des attitudes haineuses ou racistes envers les Chinois, quand il parle de ce qu’il a découvert de ses propres yeux. N’oublions pas que M. Zenz s’est forgé du jour au lendemain une réputation en accusant la Chine sans jamais y mettre les pieds. Quelle source d’information !

Quant au « travail forcé des Ouïghours pour ramasser du coton à la main », c’est tellement absurde, car la cueillette du coton se fait maintenant largement à la machine, technique qui est moins chère et plus efficace. Alors la situation avant l’industrialisation de la récolte ? Comme un fermier ouïghour l’a dit dans une entrevue, « lorsque la saison de la récolte arrive, nous manquons de main-d’œuvre et donc embauchons des travailleurs saisonniers. Ils gagnent plus de 10 000 yuans (presque 2000 $) en moins de deux mois. Tout le monde s’y précipite. Faut-il les forcer ? » Ces travailleurs sont souvent parmi le surplus de main-d’œuvre rurale des provinces du Henan, du Sichuan, du Gansu, etc., puisqu’ils peuvent gagner plus que le total des revenus de leur famille pendant toute l’année.

C’est à peu près la même chose que le recrutement des travailleurs étrangers temporaires au Québec pour récolter des fraises, des cerises et des poires.

Aucun pays n’est parfait. Si l’on cherche des preuves dans une logique de présomption de culpabilité, on n’échoue guère. Les défis auxquels la Chine fait face sont peut-être plus compliqués que l’on peut l’imaginer, mais elle ne cesse d’explorer des moyens qui conviennent à ses conditions nationales pour rendre le cinquième de la population mondiale plus heureuse, plus en sécurité et plus libre. Et ce, dans le bénéfice du monde entier.

C’est pieds nus qu’on sait vraiment que le sable est chaud. Mais à force d’écouter un seul son de cloche, il est difficile de s’en sortir. Donc, quand le temps y sera propice, les amis québécois seront les bienvenus en Chine, pour découvrir et comprendre la vraie Chine et le vrai Xinjiang, et s’il vous plaît, ne le voyez pas comme un péché originel.

La réponse de nos journalistes Marc Thibodeau et Agnès Gruda

Le traitement infligé par les autorités chinoises à la minorité ouïghoure a été documenté par de nombreuses organisations indépendantes aussi crédibles que Human Rights Watch, Amnistie internationale, l’Institut australien de stratégie politique ou encore la Fondation Jamestown.

Leurs révélations au sujet des programmes d’internement massif, de la torture, des disparitions forcées, d’une politique de séparation des familles, de déplacements de populations, de campagnes de stérilisation visant les femmes ouïghoures et de travail forcé ont été corroborées par des médias sérieux comme le Washington Post, la BBC, l’Associated Press ainsi que par le Consortium international de journalistes d’enquêtes, qui ont donné la voix aux survivants des camps.

Encore récemment, le 19 avril, Human Rights Watch a publié un rapport détaillant et dénonçant les crimes contre l’humanité commis au Xinjiang.

Et c’est sans compter avec le gouvernement des États-Unis et les Parlements de nombreux pays occidentaux, dont les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Belgique et le Canada, qui ont conclu qu’un génocide était en cours au Xinjiang.

Enfin, comme nous le décrivions dans notre reportage, les États-Unis et le Canada ont conclu que le travail forcé constituait un problème suffisamment criant pour justifier la mise en place de mesures permettant de bloquer à la frontière des produits venant du Xinjiang, non seulement le coton, mais aussi la tomate et ses dérivés.

Le gouvernement chinois a choisi de nier ces révélations en bloc et de tenter de discréditer leurs auteurs, y compris le réputé anthropologue Adrian Zenz. Mais, il ne suffit pas de nier l’existence d’un phénomène pour le faire disparaître.

Nous sommes convaincus que nos lecteurs sauront faire la part des choses.

Agnès Gruda et Marc Thibodeau, La Presse

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