Il fut une époque où les Jeux olympiques évoquaient d’abord et surtout des prouesses athlétiques. Celles-ci s’accompagnaient souvent d’un récit inspirant autour des sacrifices que s’imposent les participants pendant des années pour ces quelques minutes que peut durer une compétition.

Aujourd’hui, le mouvement olympique est plutôt associé au choix des villes hôtes et aux coûts exorbitants des infrastructures nécessaires à la tenue des Jeux. L’enjeu des infrastructures a pris une telle ampleur que l’enthousiasme pour accueillir cet évènement prestigieux s’est complètement affaissé. Au-delà des coûts, l’intransigeance des autorités olympiques laisse parfois pantois. Le cas de la candidature de la Ville de Québec illustre bien le cadre absurde dans le lequel le Comité international olympique (CIO) peut opérer. Le CIO a fait preuve d’un entêtement bureaucratique étonnant autour d’un aspect technique de la piste proposée pour une compétition de ski et s’est privé d’un des sites les plus enchanteurs pour tenir des Jeux d’hiver.

PHOTO TINGSHU WANG, ARCHIVES REUTERS

La tour olympique de Pékin

À moins d’un an de ceux de Pékin, le CIO se trouve encore au centre d’une controverse. De nombreux pays, dont les États-Unis, abordent depuis quelques mois la possibilité de boycotter ces Jeux pour protester contre la répression chinoise à l’endroit de sa minorité ouïghoure.

L’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche et le sommet glacial entre les États-Unis et la Chine, le mois dernier, donnent espoir à ceux qui opinent qu’il faut lancer un message au président Xi et l’empêcher de se glorifier de la présence des anneaux olympiques.

La planète olympique a déjà vécu quelques boycottages dans le passé, le plus important tenu en 1980. Soixante-cinq nations (dont le Canada) avaient refusé de participer aux Jeux de Moscou pour dénoncer l’invasion soviétique en Afghanistan. Ironiquement, plusieurs de ces mêmes pays (dont le Canada) ont à leur tour envahi l’Afghanistan moins de 25 ans plus tard. Le geste de 1980 n’a rien changé à la stratégie soviétique – ils ont occupé l’Afghanistan jusqu’en 1989.

La Chine avait fait son coming out olympique en 2008 lors de Jeux d’été fastes tenus à Pékin. La Chine avait émerveillé tant avec ses nouveaux équipements sportifs qu’avec sa récolte historique de médailles d’or. Lors de l’attribution de ces Jeux, plusieurs avaient manifesté le souhait que la Chine profite de cette fenêtre olympique pour cheminer vers des normes démocratiques en harmonie avec le courant dominant des pays membres du CIO.

En 2014, au moment d’accorder les Jeux de 2022, le CIO n’avait que deux candidatures – Pékin et Almaty. Le résultat serré (44-40) a surpris – un peu comme si Trois-Pistoles avait chauffé Denver pour l’obtention de Jeux d’hiver.

Face à un choix de Sophie – le pluralisme politique n’est pas à la mode non plus au Kazakhstan –, le CIO a tranché en faveur de Pékin, qui se prépare à recevoir des milliers d’athlètes en février prochain.

Plusieurs fédérations sportives nationales s’opposent à un boycottage. Elles considèrent que l’absence d’athlètes à Pékin l’an prochain ne changera rien au climat sociopolitique en Chine ni rien, malheureusement, au sort des Ouïghours. Elles ont entièrement raison. Elles auraient pu aussi soulever l’incohérence de pays occidentaux qui, d’une main, souhaitent priver la Chine d’une fenêtre de propagande olympique et, de l’autre, continuent d’y développer des liens commerciaux.

L’argumentaire d’ailleurs autour de la propagande olympique ne tient pas la route. Croit-on réellement que le président Xi a besoin de ces Jeux pour faciliter l’imposition de diktats au peuple chinois ? La Chine a pris énormément d’assurance depuis les dernières années – les Jeux de 2022 n’ont absolument rien à voir avec la valeur symbolique de ceux de 2008.

Malgré son traitement violent de dissidents et ses menaces musclées envers l’Ukraine, le président Biden a néanmoins convié le président Poutine à un sommet. Celui-ci sera une victoire de marketing pour le président Poutine (comme le furent d’ailleurs les deux sommets entre la Corée du Nord et les États-Unis pour Kim Jong-un) dont l’ego se nourrira longtemps de ce tête-à-tête.

Mais le président Biden fait le bon choix – isoler ou humilier un adversaire comme la Russie risque d’empirer le contexte géopolitique.

Je comprends donc les athlètes d’être déboussolés. Ils n’exercent aucune influence sur le choix des villes hôtes et observent des stratégies différentes pour traiter avec des régimes totalitaires. Ceux qui suggèrent d’envoyer un message aux Chinois auraient beaucoup plus de crédibilité s’ils se rendaient à la suite logique des sanctions et proposaient de réduire les échanges commerciaux. Mais comme ils ne le feront pas, laissons les athlètes tranquilles.

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