La pénurie de personnel enseignant qui sévit au Québec est un problème complexe, qui ne date pas d’hier. Sans entrer davantage dans les détails, la dégradation constante de nos conditions de pratique en est certainement la principale cause. De nombreux ministres se sont succédé au portefeuille de l’éducation sans pouvoir, ou vouloir, prendre ce problème à bras-le-corps. Inversement, et particulièrement en temps de crise, il faut prendre garde aux raccourcis, qui peuvent être tentants, car les problèmes complexes ne se règlent jamais avec des solutions simplistes, même si elles sont bien intentionnées.

Hélas, il semble que le projet de maîtrise en éducation, option éducation préscolaire et enseignement primaire (MEPEP), de l’Université de Montréal entre dans cette catégorie, comme nous l’apprenait Le Devoir le 22 avril dernier. Nous découvrions ainsi que le Comité d’agrément des programmes de formation (CAPFE), qui est le gardien de l’intégrité et de la cohérence des programmes de formation initiale en enseignement au Québec, avait refusé d’agréer cette MEPEP. Le CAPFE avait constaté des problèmes au sujet des conditions d’admission au programme, des exigences à l’entrée, du soutien aux étudiantes et étudiants et des stages offerts.

Sans être nécessairement exclusifs, les problèmes et interrogations soulevés par le CAPFE suffisaient amplement pour justifier ce refus et auraient dû entraîner, au minimum, un retour à la planche à dessin pour l’Université de Montréal et le ministre de l’Éducation.

Or, ce dernier a décidé de passer outre à l’avis du CAPFE et d’autoriser malgré tout l’université à aller de l’avant. La hâte est souvent mauvaise conseillère : les réflexions de fond à faire sur la formation initiale ne peuvent être escamotées, comme le démontrent justement les problèmes soulevés par l’avis du CAPFE.

Depuis 2019, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) demande que les enseignantes et enseignants, en coopération avec les responsables de la formation initiale des universités, puissent revoir les contenus des programmes en ce qui concerne la pédagogie, la didactique et le contenu disciplinaire, pour y proposer des modifications.

En ce qui a trait aux maîtrises dites qualifiantes, la FAE est d’avis que ce modèle est mal adapté au préscolaire et au primaire, et qu’il ne devrait donc pas y être implanté, sauf exception pour les profs spécialistes (arts, éducation physique, anglais).

La tâche des titulaires de classe au primaire couvre l’enseignement d’une grande variété de matières scolaires (français, mathématique, univers social, sciences et technologies, ECR, etc.) qui exigent une solide formation disciplinaire initiale dans chacune d’elle et une formation pratique suffisante, ce que ne peut offrir le format d’une maîtrise qualifiante de 60 crédits. La situation est différente au secondaire ou à l’éducation des adultes, compte tenu des champs disciplinaires spécialisés, bien qu’un bilan des maîtrises qualifiantes déjà existantes reste à faire.

Conséquemment, et à la lumière des problèmes soulevés par le CAPFE, nous sommes au regret de constater que la MEPEP, comme autorisée par le ministre, comporte un risque important de nivellement par le bas de la formation initiale et dévalorise la profession enseignante au préscolaire et au primaire. La solution retenue par le ministre semble fortement inspirée de celle, bricolée en 2020, pour combler la pénurie de personnes préposées aux bénéficiaires et qui a été décriée par plusieurs. La FAE refuse que le prix à payer pour juguler la pénurie de personnel enseignant passe par un regard réducteur sur l’enseignement au préscolaire et au primaire et par une baisse de la qualité de la formation initiale des maîtres. Cela serait injuste pour les profs déjà légalement qualifiés ainsi que pour les élèves du Québec.

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