La ministre Marguerite Blais a dévoilé la semaine dernière sa Politique d’hébergement et de soins et services de longue durée. Après l’hécatombe de la dernière année, où plus de 6000 morts sont survenues dans ces milieux d’hébergement, on aurait pu s’attendre à des mesures concrètes pour redresser la qualité des soins et la sécurité dans ces milieux. Or, la Politique ne fait qu’énoncer des principes directeurs et des orientations générales sans objectifs, cibles de résultats ou échéancier précis. Alors qu’on crève de faim, on nous propose une belle recette de tarte aux pommes.

D’abord, cette politique soi-disant de « soins et services de longue durée » ne traite que de l’hébergement ; rien sur les soins à domicile. Si on permettait aux personnes âgées en perte d’autonomie et aux adultes en situation de handicap de demeurer à domicile avec les soins et services nécessaires, on aurait moins besoin de les orienter vers le « parc d’hébergement » (sic, p. 9). On priorise encore et toujours la solution institutionnelle. On souhaite améliorer le milieu de vie des personnes alors qu’on les déracine en les plaçant en institution.

Cette politique propose des principes directeurs et des orientations nobles. Toutefois, c’est au niveau des applications concrètes que se trouvent les enjeux et défis. On aurait pu y trouver des actions en réponse aux rapports de la Protectrice du citoyen ou des trois ordres professionnels. Eh bien non, rien du tout : silence radio.

On y traite de la gouvernance des établissements, mais rien sur les problèmes du réseau privé qui échappe au contrôle rigoureux de l’État : pas un mot sur les CHSLD privés non conventionnés, et même consolidation de la responsabilité exclusive des propriétaires de ressources intermédiaires dans la gestion de leur établissement.

Après les catastrophes du CHSLD Herron et autres Manoir Liverpool, on se serait attendu à mieux.

Silence à propos de la gouvernance des maisons des aînés et des maisons alternatives : seront-elles des établissements publics ? Seront-elles gérées par les CIUSSS et CISSS ? Est-ce encore, comme pour les ressources intermédiaires, une impartition au privé ?

La Politique est aussi muette sur la gestion des CHSLD. Hormis la création récente de postes de gestionnaire « responsable » dans chacune des installations, on ne sait rien du pouvoir véritable de ces personnes dans une mégastructure hautement hiérarchisée. Pas un mot au sujet de la gestion locale des soins infirmiers ni de la gestion médicale.

La Politique préconise la présence de personnel en quantité suffisante pour répondre aux besoins. Mais elle est silencieuse quant à la nécessité d’établir des normes sur les ratios d’usagers par médecin, infirmière ou préposé. Est-ce qu’on attend ces normes essentielles du fédéral ? Aucun plan concret de main-d’œuvre pour assurer le recrutement et surtout la rétention du personnel. On souligne l’importance de la stabilité des équipes sans proposer de mesures concrètes pour atteindre cet objectif.

La Politique reprend la sérénade de l’importance des personnes proches aidantes, mais elle ne propose pas de moyens pour les soutenir concrètement dans leur rôle ni pour éviter leur éviction dès qu’une situation de crise se présente.

Sur le plan des espaces, la Politique fait l’apologie du concept des micro-milieux et des maisonnées. On construira à fort prix quelques dizaines de maisons au cours des prochaines années. Mais que fait-on des centaines de CHSLD vétustes avec leurs chambres à lits multiples, leurs salles de bains partagées, leur ventilation inadéquate et l’absence de chambres supplémentaires pour les soins de fin de vie et l’isolement en cas d’infection ?

Bref, un écran de fumée pour cacher encore les lacunes inacceptables révélées de façon dramatique par la pandémie. Et pendant que l’on vivait dans les milieux d’hébergement la pire crise de l’histoire, on s’affairait en haut lieu à élaborer de beaux principes et à énoncer de gracieuses orientations. Rien d’étonnant à ce qu’on n’ait pas eu le temps ni l’énergie de gérer cette crise convenablement. Pendant que le Titanic sombre, on s’affaire à réorganiser les chaises sur le pont et l’orchestre continue de jouer un air funèbre pour agrémenter la tragédie.

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