Réagir à la menace de la COVID-19 s’avère ne pas une tâche simple. De l’achat de vaccins aux portails de réservation en passant par la création de cliniques de vaccination éphémères, il s’agit d’une tâche colossale qui exige que toutes les dispositions du gouvernement avancent dans un esprit de coopération. Comme tout le monde, je regarde cet incroyable effort prendre forme avec l’espoir qu’il nous permettra de gagner la course contre la propagation des nouveaux variants.

Malgré tout, alors que j’assume la direction de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC), je ne peux m’empêcher de penser aux préparatifs en vue du prochain grand défi : mobiliser nos forces pour faire face aux conséquences de la pandémie sur la santé mentale, qui subsisteront longtemps après que nous aurons retroussé nos manches pour recevoir le vaccin.

S’il est vrai que nous devons toujours chercher à intervenir tôt afin de garantir les meilleurs résultats possibles en matière de santé mentale, nous ne pouvons ignorer les retombées à venir après la pandémie.

Les femmes, par exemple, ont été les plus touchées par les pertes d’emploi et ont dû porter le fardeau de la garde des enfants. Parmi les mères qui ont conservé leur emploi pendant la pandémie, un tiers a envisagé de le quitter. Les répercussions de tels reculs sur la santé mentale sont tout aussi réelles que les pertes financières qu’ils entraînent. Pour ne citer qu’un exemple, grâce à une enquête conjointe de la CSMC réalisée en collaboration avec le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS), nous savons que seulement 28 % des femmes demeurant dans des foyers avec des enfants de moins de 13 ans ont déclaré avoir eu une excellente ou une très bonne santé mentale pendant la pandémie, contre 45 % chez les hommes.

Le poids de la pandémie a également pesé de manière disproportionnée sur les épaules des populations racisées, qui étaient plus susceptibles de contracter le virus – pour les mêmes raisons socioéconomiques qui les empêchent de recevoir des soins de santé mentale suffisants. Dans une étude, 37,5 % des répondants africains, caribéens et noirs ont signalé vivre une insécurité financière liée à la COVID-19.

L’explosion de l’offre de soins de santé mentale en ligne, telle que le portail novateur Espace mieux-être Canada du gouvernement fédéral, peut combler d’importantes lacunes, mais cette solution seule laissera inévitablement pour compte de nombreuses personnes.

Nous saluons ici le virage numérique du réseau de la santé au Québec qui reçoit 22 millions par an jusqu’en 2026 et l’annonce des 52 millions par année pour rehausser les services en santé mentale en plus des 5 millions pour prévenir le suicide.

Ayant été séparé d’êtres chers âgés pendant la pandémie, je suis parfaitement conscient du fait que garder contact virtuellement a ses limites et je reconnais que certains de ces mêmes défis s’appliquent aux soins de santé mentale virtuels. Bien que les statistiques indiquent que, dans l’ensemble, les aînés ont une assez bonne santé mentale, elles brossent un portrait incomplet et dès lors inquiétant, car elles ignorent les besoins criants en soins de longue durée ainsi que la profonde aggravation de l’isolement vécu par les aînés atteints de démence.

Cependant, c’est peut-être en s’attaquant aux problèmes de santé mentale des jeunes, dont la vie a été interrompue à un stade critique de leur développement, que nous pourrons le mieux faire évoluer les choses et infléchir la courbe des coûts tout au long de la vie.

La détérioration des interactions sociales, l’accès réduit à l’éducation, le manque d’activités et de routine ainsi que la tristesse causée par les petites et grandes pertes pourraient laisser une marque indélébile sur la vie des jeunes. Cela a également été confirmé par notre sondage en collaboration avec le CCDUS, dans lequel la moitié des jeunes de 16 à 24 ans ont répondu que leur santé mentale se trouvait au bas de l’échelle.

Des initiatives telles que la Norme sur la santé et la sécurité psychologiques des étudiants de niveau postsecondaire – qui aide les établissements d’enseignement supérieur à cocréer des campus plus sains – sont un grand pas dans la bonne direction. Il reste toutefois beaucoup à faire pour répondre aux besoins croissants de tous nos jeunes.

Aujourd’hui, plus que jamais, répondre aux problèmes de santé mentale est une priorité absolue qui demande aux dirigeants de veiller à ce que les meilleurs soins possibles soient offerts au moment et à l’endroit où ils sont le plus nécessaires.

C’est pourquoi la CSMC travaille sur plusieurs fronts pour assurer la réalisation du principe de la santé mentale pour tous – selon lequel chacun a droit à un accès équitable à des soins de santé mentale axés sur le rétablissement, fondés sur des données probantes, adaptés à la culture, et ce, au moment et à l’endroit souhaités.

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