À l’hiver 2020, un épais brouillard entourait la venue du virus SARS-CoV-2. Les nouvelles en provenance de Chine et les images des hôpitaux du nord de l’Italie dépassés par la flambée d’hospitalisations et de morts laissaient présager des lendemains difficiles. La maladie de la COVID-19 générait une confusion au sein de la communauté internationale qui peinait à contrôler sa rapide trajectoire.

Pour parer la propagation du virus, le gouvernement du Québec a mis en place des politiques de santé publique strictes et contraignantes, comme partout dans le monde. Le branle-bas de combat a pris de court le réseau de la santé qui peinait déjà à s’organiser. Pendant 12 semaines, les activités hospitalières ont été délestées, de nombreuses procédures chirurgicales électives ont été annulées, des lits libérés et des équipes réassignées à d’autres tâches et d’autres lieux.

Il va sans dire que les hôpitaux ont réussi à prioriser les patients en fonction de la gravité de leur maladie et les traitements chirurgicaux urgents ont pu continuer. Mais tous conviennent que faire attendre des cas non prioritaires ne veut pas dire qu’ils n’ont pas besoin d'une intervention chirurgicale ou que leur condition ne se détériorera pas si l’attente est trop longue. La Presse a d'ailleurs rapporté le 19 février dernier le décès d’une jeune comédienne, Rosine Chouinard-Chauveau, une des victimes collatérales du délestage.

Les activités hospitalières ont pu reprendre durant l’été, mais les équipes médicales n’ont pas été en mesure de rattraper les retards.

Les problèmes de rétention de personnel causent des maux de tête aux directions et les procédures de contrôle des infections rallongent le temps de travail. Depuis décembre, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) évalue que les hôpitaux du Québec ont pu opérer à 50 % de leur capacité et, dans la grande région de Montréal, certains hôpitaux fonctionnent à seulement 30 %.

En Grande-Bretagne, là où le système de santé s’apparente au nôtre, des chercheurs estiment que les retards et les annulations de soins chirurgicaux ont mené à un retard accumulé de plus de deux millions de procédures chirurgicales en date du 28 février 2021. Ce retard correspond à 45 % des procédures chirurgicales effectuées en Angleterre chaque année. Et le nombre de personnes qui ont attendu plus d’un an pour un traitement chirurgical a bondi de 900 en novembre 2019 à plus de 138 000. Pendant ce temps au Québec, le MSSS estime que 140 000 personnes sont en attente d’une opération et que près de 44 000 attendent depuis plus de six mois.

Les retards dans la réintroduction des procédures chirurgicales électives risquent d’engendrer une augmentation de la morbidité et de la mortalité, pas nécessairement reliée à la COVID-19, mais bien à cause d’une augmentation du volume de maladies non diagnostiquées et des délais pour donner des traitements curatifs. La littérature est claire : il y a de moins bons résultats cliniques lorsque les traitements sont retardés et les coûts sont plus élevés.

Renforcer le système de santé

Un général américain disait : « L’art de diriger est complexe et nécessite d’utiliser les ressources qui sont à notre disposition, de comprendre leurs forces et leurs faiblesses et de les employer pour qu’ils donnent les meilleurs résultats. »

L’organisation des établissements de santé repose en grande partie sur les épaules du personnel médical qui traite et soigne les patients et de la gestion qui voit au bon fonctionnement.

Le personnel du réseau peut travailler sans relâche sans jamais manquer de boulot, mais ce qui fait la différence, ce sont les stratégies, l’organisation du travail, le climat de travail, les ressources disponibles et la qualité des professionnels qui y œuvrent.

La crise sera l’occasion de réorganiser le milieu du travail, de renforcer les équipes, de mettre en place des plateformes, des protocoles, de recruter des employés et de maximiser les temps d’utilisation des salles opératoires. Pour ce faire, il importe d’utiliser des groupes de travail qui recoupent plusieurs niveaux de l’organisation, qui vont mettre en place des stratégies, légitimer des initiatives, accroître le soutien et permettre d’implanter les changements.

Les bons coups dans le réseau se produisent dans les organisations où les gestionnaires travaillent de concert avec les leaders cliniques pour introduire de nouvelles façons de faire, de bonnes pratiques cliniques et de gestion, et une vision à long terme d’où on veut aller.

Avec une vaccination massive de la population, on peut espérer éliminer rapidement les formes graves de la maladie de la COVID-19 et revenir à la normale, néanmoins il importe que nos dirigeants maintiennent leurs engagements envers la stabilisation du réseau de la santé par des investissements majeurs et des innovations qui vont renforcer le système de santé.

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