Il y a quatre ans, le 23 mars 2017, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi 102, « Loi modifiant la Loi sur la qualité de l’environnement afin de moderniser le régime d’autorisation environnementale et modifiant d’autres dispositions législatives notamment pour réformer la gouvernance du Fonds vert ».

Présentée alors comme la plus importante réforme environnementale des 40 dernières années, une des principales avancées promises pour la population portait sur l’accès à l’information environnementale, principalement par la création d’un registre public lui donnant directement accès à de nombreux renseignements. Selon la loi adoptée, il ne serait plus nécessaire de faire une demande d’accès à l’information pour obtenir une large panoplie de renseignements environnementaux, puisque la création d’un véritable registre électronique permettrait à quiconque d’obtenir une version numérisée du document recherché par un simple clic. Une modernisation véritable et digne de notre siècle, tout en étant conforme à ce qui se fait ailleurs dans le monde.

Cependant, si le projet de loi 102 est entré en vigueur le 23 mars 2018, l’article prévoyant la création du nouveau registre public environnemental ne l’est pas, toujours en attente d’un décret gouvernemental en ce sens !

C’est le seul article de ce projet de loi qui n’est pas entré en vigueur et on doit se demander s’il le sera un jour.

Pourtant, dès 2015, le livre vert du gouvernement annonçant une réforme de la Loi sur la qualité de l’environnement prévoyait explicitement la création d’un tel registre public, bonifiant la quantité de renseignements environnementaux rendus directement accessibles, entre autres ceux liés aux autorisations émises, aux conditions d’autorisation ainsi qu’aux documents, études et analyses ayant justifié l’autorisation. Six ans plus tard, comment le gouvernement actuel peut-il justifier son retard à mettre en place ce registre public, prévu par une loi adoptée par l’Assemblée nationale ? Les entreprises ont bel et bien obtenu la simplification des régimes d’autorisation, mais la population continue de dépendre du vieux régime de demandes d’accès à l’information, long, inutilement coûteux et inefficace. Pourtant, l’utilisation des nouvelles technologies et la numérisation des documents permettent aujourd’hui de donner un accès rapide et égalitaire à l’ensemble des informations de nature environnementale, tout en réduisant les coûts liés au traitement des nombreuses demandes d’accès.

Puissants lobbys

Malgré les beaux discours de la CAQ sur la transparence, on doit craindre que les puissants lobbys industriels et économiques qui ont son attention fassent tout pour retarder indéfiniment l’entrée en vigueur de ce nouveau registre qui permettrait de rendre publiques des informations que les entreprises s’évertuent généralement à garder secrètes.

Ces lobbys étaient d’ailleurs passés très près de réussir à annuler le caractère public de ce registre en se donnant un droit de veto complet sur les informations pouvant y apparaître lors de l’étude du projet de loi 102 en commission parlementaire.

Heureusement, une large mobilisation et une lettre signée par 100 personnalités de divers horizons au premier ministre Couillard avaient permis de faire entendre raison au ministre de l’époque, David Heurtel. Ce dernier avait alors justifié une date d’entrée en vigueur différente pour ce registre public par l’incertitude entourant le temps nécessaire à sa réalisation technique. Mais qui peut croire aujourd’hui que ce sont des considérations « techniques » qui empêchent le gouvernement de mettre en œuvre ce registre public ?

La population du Québec est et sera de plus en plus amenée à prendre d’importantes décisions concernant le partage et l’aménagement de son territoire de plus en plus fragilisé. La mise en œuvre rapide du registre environnemental public adopté par le législateur en 2017 contribuerait à ce que ces choix ne se fassent pas sur la base d’informations incomplètes ou inégalement partagées.

* Jean Baril est l’auteur du Guide citoyen du droit québécois de l’environnement (Écosociété, 2018)

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