La question de la prescription d’un corpus littéraire n’est pas nouvelle. Chacun a son opinion, souvent fortement influencée par sa propre expérience scolaire, sur ce qu’il faudrait lire ou ne pas lire à l’école. À mon sens, l’idée de la CAQ de « rassembler les citoyens de toutes origines autour d’une culture commune » à l’aide d’une liste d’œuvres québécoises ayant marqué les époques est très mauvaise.

Plutôt que d’assurer la vivacité de la culture, comme ils le prétendent, cela aurait plus certainement l’effet inverse, la Culture québécoise avec un grand C, comme sa littérature, ne résidant pas en quelques titres bien précis. Notre littérature est riche et diversifiée, et je ne vois aucunement comment une liste de X titres pourrait représenter LA littérature québécoise, LA culture commune à laquelle les jeunes devraient accéder. Chercher à tout prix le « commun », le « pareil pour tout monde », ne rime pas avec littérature. Il ne faut pas sacrifier l’étendue des possibilités au profit d’un projet politique supposément rassembleur.

En ce moment, le Programme de formation de l’école québécoise exige que sur les 25 œuvres lues au secondaire, 13 soient d’origine québécoise. Plusieurs ouvrages existent d’ailleurs pour guider les enseignants dans leurs choix. Faisons-leur confiance : ils sont capables de faire des choix pertinents qui participent à la culture littéraire de base des élèves, culture qui sera par la suite enrichie au collégial dans le cours de français consacré à la littérature québécoise.

Imposer un corpus irait contre l’autonomie professionnelle. Ce sont les enseignants qui connaissent le mieux leurs élèves et leurs besoins.

Par ailleurs, la question de la création d’un corpus s’accompagne nécessairement de celle des critères de sélection et d’exclusion des œuvres. Que choisir ? Que laisser de côté ? Les résultats d’une étude menée par Dezutter, en 2007, montrent que les trois principaux critères de sélection des enseignants, au Québec, sont les suivants, en ordre d’importance :

– l’influence de la lecture de l’œuvre sur le plaisir et l’intérêt des élèves ;

– l’influence de la lecture de l’œuvre sur le plaisir et l’intérêt de l’enseignant ;

– l’importance de l’œuvre en regard d’une culture littéraire de base.

Quel pôle favoriser dans un corpus obligatoire ? Le plaisir de l’élève, celui de l’enseignant ou la culture de base ? On peut constater que l’idée de la CAQ ne correspond pas aux pratiques des enseignants d’ici. Elle ne correspond pas plus aux conclusions de chercheurs comme Dufays, Genemme, Ledur (2005), qui affirment qu’il serait dangereux d’absolutiser un pôle au détriment des deux autres, car ils s’équilibrent, se contrôlent mutuellement.

Oui, une très grande diversité, tant sur le plan des auteurs que des époques et des genres, existe présentement dans les écoles du Québec. Et c’est tant mieux ! Car dans la mesure où le ministère encourage grandement les enseignants à privilégier leur rôle de passeurs culturels afin d’aider leurs élèves à accéder à une culture seconde, dans la mesure où tout type d’enseignant souhaite trouver des textes littéraires qui sauront lui convenir et convenir à ses élèves et dans la mesure où diverses finalités de l’enseignement de la littérature existent, il m’apparaît clair que le choix des œuvres à mettre au programme revient aux enseignants et à eux seuls. Ils sont les mieux placés pour savoir ce qui leur permettra d’atteindre leurs objectifs pédagogiques et pour savoir ce qui plaira à leurs élèves. Ils doivent aussi pouvoir continuer à avoir du plaisir à enseigner les œuvres qu’ils aiment, car tous seront d’accord sur ce point : un enseignant passionné, c’est ce qui fait toute la différence.

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