Au début du mois de février, le premier ministre François Legault, le chef de la communauté innue d’Uashat mak Mani-utenam, Mike Mckenzie, le chef du Conseil des Innus Essipit, Martin Dufour, la présidente-directrice générale d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, et le président de Boralex, Patrick Decostre, ont annoncé le lancement du projet éolien Apuiat sur la Côte-Nord. Ils méritent tous des félicitations. Dès 2024, des éoliennes générant 200 MW d’énergie verte s’élèveront sur le territoire traditionnel appelé Nitassinan et sur les terres publiques de la ville de Port-Cartier. Pour la première fois, des autochtones sont promoteurs d’un projet de développement énergétique sur leur territoire. C’est un authentique partenariat. Un projet pensé et conçu conjointement.

C’est un projet possible parce que nous avons Hydro-Québec, qui est né d’un élan économique, social et environnemental. À l’origine, pour assurer de l’énergie propre au même prix à tous les Québécois pour développer notre économie, et maintenant, pour contribuer à rapprocher les peuples dans un développement durable et créateur de richesse.

La réalisation d’Apuiat nous rappelle que nous sommes liés, par le territoire, par l’énergie, par une spécificité culturelle et que cela nous met, Québécois, Premières Nations, dans une relation de partenariat de nation à nation. Apuiat nous montre que lorsque les bonnes personnes se rassemblent, l’idéal porté par Hydro-Québec prend vie. On doit s’en réjouir et penser dès maintenant au pas suivant.

Tractations dans les coulisses

J’ai été président du conseil d’administration d’Hydro-Québec de 2014 à 2018. À mon arrivée en 2014, le projet Apuiat faisait déjà l’objet de pourparlers avec les Innus. En 2015, toutefois, le ton a changé. La nouvelle direction d’Hydro estimait que le Québec était en situation de surplus pour longtemps, d’autant que le projet La Romaine allait augmenter la capacité de production, et le prix était trop élevé. François Legault, qui ambitionnait de devenir premier ministre, faisait la même lecture à ce moment.

À l’approche des élections de 2018, le projet était controversé et débattu sur la place publique. Dans les coulisses, l’idée était même évoquée que le conseil d’administration d’Hydro autorise Apuiat, malgré l’opposition de son président-directeur général.

J’ai exprimé au gouvernement l’avis que ce serait un précédent malheureux pour Hydro et un geste inélégant qui aurait pour effet de menotter le prochain gouvernement. J’ai plutôt proposé que soit rédigée une entente de principe entre Hydro, le gouvernement, Boralex et nos partenaires innus, afin de protéger le travail qui avait été fait tout en respectant l’espace de décision d’un prochain gouvernement.

La renaissance

M. Legault a remporté les élections de 2018. Jacynthe Côté m’a succédé à la présidence du conseil d’Hydro, Sophie Brochu a été nommée présidente-directrice générale. Le contexte énergétique a évolué. M. Legault parle désormais du Québec comme d’une « batterie d’énergie renouvelable » pour le nord-est de l’Amérique du Nord. Hydro continue ses négociations visant l’exportation d’énergie vers la Nouvelle-Angleterre. De nouvelles industries comme l’infonuagique pourraient susciter des besoins. L’électrification des transports annonce aussi une hausse de la demande. Bref, on ne parle plus de surplus à long terme, mais de besoins prochains. Apuiat a été relancé sur la base de l’entente de principe mentionnée ci-dessus et le projet, à un prix très concurrentiel, a été confirmé le 4 février dernier.

Il ne s’agit surtout pas ici de critiquer la position des uns ou des autres. Chacun a fait pour le mieux, à chaque moment, en son âme et conscience. Je veux plutôt mettre en lumière la complexité de tels projets et leurs parcours sinueux. Mais plus encore, je veux dire toute l’importance d’Hydro-Québec comme fabricant d’avenir, pour les Québécois, pour les Premières Nations.

Le prochain pas

Apuiat est un progrès certain. Les Innus sont copromoteurs du projet. Cela nous permet d’envisager le prochain pas : les Premières Nations, comme coinvestisseurs dans des projets d’énergie renouvelable. Mais comment des communautés autochtones pourraient-elles accumuler l’équité pour participer au capital de tels projets ? Je propose que l’on regarde du côté de la Banque d’infrastructure du Canada qui semble se chercher une vocation depuis sa création en 2017. Elle pourrait investir au bénéfice des Premières Nations dans des projets d’énergie renouvelable dans tout le Canada. Ce serait une bonne façon d’envisager un avenir durable ensemble, inspiré par l’exemple d’Hydro-Québec et des Innus.

Michael D. Penner est conseiller principal chez Partners Group AG, président du conseil de United States Infrastructure Corporation et président du conseil d’Enfragen Renewable Power

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