Actuellement, la plupart des gouvernements de la planète tentent de limiter à tout prix la mortalité directement associée à la COVID-19. À ce chapitre, on ne se mentira pas, le nouveau coronavirus a fait des ravages comme on n’en avait pas vu depuis un siècle.

Pourtant, selon les données de l’Institut de la statistique du Québec1, les cancers et les maladies du cœur faisaient, ensemble, près de quatre fois plus de morts par semaine au Québec en 2019 que ne l’a fait la COVID-19 en 2020 à la suite du premier décès enregistré dans la province. Il est regrettable qu’on n’ait à peu près pas parlé de ces morts-là pendant que dépistages, diagnostics, traitements et suivis étaient retardés ou carrément avortés, et qu’on demandait à la population de protéger autant que possible notre système de santé.

C’est comme si, au beau milieu de l’océan de tous les problèmes de santé, nous avons réservé les canots de sauvetage de notre Titanic en naufrage pour les personnes plus susceptibles de se noyer de ce nouveau mal, et avons dit à toutes les autres – incluant des femmes et des enfants – de se débrouiller à la nage.

Une réaction d’une telle ampleur se justifiait peut-être lorsque nous ignorions à peu près tout du virus, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Il faudrait maintenant revoir le degré d’attention que nous accordons à la COVID-19 de manière proportionnée avec les autres menaces qui nous sont peut-être plus familières, mais non moins mortelles.

Cela voudrait dire de réorganiser nos ressources pour pouvoir offrir des soins déterminants à un plus grand nombre de patients non-COVID-19 dont la condition est potentiellement tout aussi sérieuse. Il faudra aussi s’assurer que la population ne craigne plus d’attraper le virus en tentant d’obtenir des soins.

Il n’y a rien de facile ou de satisfaisant à devoir choisir entre différents scénarios funestes. Pourtant, cela ne les empêche pas d’arriver. Le sort de l’actrice Rosine Chouinard-Chauveau, morte dans l’attente d’une intervention chirurgicale à 28 ans2, nous le rappelle cruellement.

Qu’on pense aux personnes qui, comme elle, ont succombé ou succomberont au cours des prochaines années des conséquences indirectes liées aux mesures mises en place pour tenter d’endiguer la pandémie. À celles-là, s’ajoute aussi un nombre effarant qui ont vu leur bien-être physique, psychologique, économique et social être durement affecté.

Selon des sondages menés par l’Institut national de santé publique du Québec3, un grand nombre d’entre nous sont davantage sédentaires, déprimés ou anxieux, passent davantage de temps devant des écrans, consomment davantage de tabac, d’alcool et de cannabis, et se sentent plus seuls et socialement isolés que jamais auparavant.

Plusieurs viendront grossir durablement les rangs des malades de demain alors qu’on n’aura pas terminé de combler les retards accumulés auprès des malades actuels.

À terme, la somme de ces impacts collatéraux pourrait s’avérer plus importante que les impacts directs du virus. Même s’ils sont beaucoup plus difficiles à comptabiliser, ils n’en sont pas moins réels. Il faut dès maintenant en tenir compte davantage.

Voilà un an qu’on nous demande d’apprendre à vivre avec le virus. Peut-être devrions-nous dorénavant apprendre aussi à mourir avec lui.

1 Consultez les données sur les causes de décès

2 Lisez « Le délestage serait responsable de la mort d’une jeune mère »

3 Consultez les Sondages sur les attitudes et comportements des adultes québécois

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion