COVID-STOP1, un collectif québécois de médecins, de scientifiques, d’ingénieurs et d’autres professionnels, a analysé scientifiquement et proposé diverses mesures pour contrer la pandémie de COVID-19 : le port du masque par la population et le port du N95 par les travailleurs de première ligne, des mesures pour réduire la transmission par aérosols, l’emploi des tests rapides pour faire du dépistage d’éclosions, etc. Mais la Direction de la santé publique (DSP) résistait à toute mesure préventive autre que l’hygiène des mains, la distanciation et le confinement. Quel a été l’effet de cette gestion défensive de la pandémie ?

Le bilan de la pandémie au Québec se solde schématiquement à 10 500 décès COVID-19, dont 45 % durant la deuxième vague, constituant presque la moitié des décès causés par la COVID-19 au Canada. Certes, il y a pire que nous, comme le répète le premier ministre. Mais comparons-nous à neuf pays2 qui ont combattu la COVID-19 avec succès et dont les statistiques sont assez fiables. Le Québec, avec une population 33 fois moindre, a eu deux fois et demie fois plus de décès causés par la COVID-19 que ces neuf pays réunis. Avec leur taux de mortalité, le Québec n’aurait déploré que 125 décès en un an. Au lieu de cela, début mars 2021, le Québec ajoute encore 50 décès COVID-19 chaque semaine.

Malgré notre situation désastreuse, la DSP a systématiquement repoussé des mesures sanitaires préventives proposées par de nombreux experts. Elle alléguait une incompétence présumée de la population (contamination avec les masques ou avec les purificateurs) et insistait sur l’imperfection de données scientifiques néanmoins probantes sur la prépondérance de la transmission aérienne.3

Pour respecter le principe de précaution, la DSP aurait dû conclure que ces incertitudes étaient futiles relativement au besoin pressant de mesures préventives accessibles.

L’incidence de COVID-19 au Québec oscille autour de 5000 nouveaux cas par semaine. Ce rythme est 100 à 1000 fois plus élevé que notre capacité de traçage. Nous comptons encore 600 victimes hospitalisées dont 120 aux soins intensifs : plusieurs auront des séquelles. Ce fardeau cause le délestage de procédures médicales non urgentes avec son lot caché mais certain de souffrances, d’aggravations et de décès.

Le principe de précaution

Alors qu’il faudrait sortir de ce marasme, les autorités annoncent l’allègement des mesures sanitaires et promettent une embellie dans « trois ou quatre semaines » grâce à la vaccination des plus vulnérables et à nos bons comportements. Mais où est le principe de précaution ? Les variants et un relâchement intempestif pourraient bien relancer4 l’épidémie et les hospitalisations avant que la vaccination ne soit effective. Le DHoracio Arruda a annoncé que la vaccination rendrait la COVID-19 moins sévère et que l’on pourrait tolérer quatre à six fois plus de cas. Or, plus il y aura de transmission communautaire, plus il y aura de variants, de longues hospitalisations causées par la COVID-19 et de possibles séquelles à plus long terme chez les plus jeunes.

Jusqu’ici, les autorités ont suivi une stratégie de mitigation visant à ralentir et tolérer plutôt qu’à prévenir l’épidémie, à réduire les pics plutôt qu’à étouffer toute éclosion.

De même, elles ont proposé des restrictions sanitaires avec des échéances « souhaitables » mais modifiables, sans proposer d’objectifs-critères épidémiologiques clairs (ex. : moins de 10 cas par semaine). Elles ont navigué à vue. Le code de couleurs des niveaux d’alerte régionaux s’est embrouillé et, avec des fermetures incohérentes, la population et le personnel de soins sont déroutés.

La situation du Québec est encore critique, mais elle est remédiable si nous changeons d’approche. Nous pouvons sortir du marasme en combinant la campagne de vaccination avec une stratégie d’éradication « zéro COVID-19 » inspirée de celles de la Nouvelle-Zélande, de la Corée du Sud, de l’Australie et d’autres pays, envisagée par l’Allemagne, l’Italie et d’autres pays européens, et louangée récemment par le DAnthony Fauci aux États-Unis. Il s’agit de réduire au strict minimum la propagation du SRAS-CoV-2 et de ses variants. Comment ? 1) en détectant les cas très tôt, 2) en traçant tous leurs contacts potentiels rapidement, 3) en mettant en quarantaine immédiatement et strictement la sous-population en cause (immeuble, école, ville ou région, selon le cas). Le confinement est très strict (tout ferme) mais sa durée est limitée. La vie sociale et les activités quotidiennes reprennent leur cours normal rapidement. Ces pays ont d’ailleurs moins souffert que nous psychologiquement et économiquement.

Pour en finir avec la pandémie, il faut une approche de santé publique plus préventive, agressive et anticipative, des confinements mieux ciblés, plus hâtifs et plus stricts pour être confinés moins longtemps et pour protéger efficacement la santé de la population.

*Cosignataires du collectif COVID-STOP : Stéphane Bilodeau, DBruno Bernardin, Dre Marie-Michelle Bellon, Nimâ Machouf, Mathieu Fauchon, DAmir Khadir, Dre Lisa Iannattone, Michel Seymour, Isabelle Larrivée, Julie Ouellet, Marie Jobin, Dre Mélanie Roy, Fatima Tokhmafshan, Dre Nataly Trang

1 Consultez la page de COVID-STOP

2 Nouvelle-Zélande, Australie, Taiwan, Viêtnam, Corée du Sud, Islande, Thaïlande, Norvège, Finlande : 4116 décès causés par la COVID-19 pour 283 millions de personnes

Consultez le site de la Harvard Medical School (en anglais)

4 Consultez les projections de la Santé publique

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