Perseverance s’est posée sur Mars. Les applaudissements à cet exploit technologique ont été audibles et nombreux, notre admiration a été alimentée par des images en direct… ou presque, avec 12 minutes de retard compte tenu de la distance. Une vision factuelle de ce lieu a pris la place des représentations imaginées dans tellement d’œuvres de fiction et conceptualisées dans des exposés scientifiques. Plusieurs se sont aussi interrogés sur la pléthore d’argent et de ressources qui a été investie dans cette aventure. Farah Alibay, qui pilote ce module martien, a dans une entrevue indiqué que l’on a besoin de ce genre d’initiatives pour expliquer notre « humanité ».

Le terme est joliment choisi pour exprimer notre double condition humaine : d’un côté notre soif de savoir et de comprendre notre existence biologique, et de l’autre notre besoin de ressentir et de nous émouvoir. Serge Bouchard commentait récemment à la radio la quête de sens de la vie humaine qui peut nous diriger dans la rationalité et la philosophie, ou vers l’individualisme récréatif, voire oisif. Soit la quête pour déterminer le comment de la vie : ses origines, son fonctionnement, son développement, ses limites, etc., mais aussi le pourquoi : la raison de notre existence, notre pertinence, notre impact sur l’environnement et sur le futur, notre désir de morale et de nous situer dans l’ordre des connaissances.

L’humain est aussi et beaucoup, voire essentiellement, en quête de sensations. Vivre dans le but de goûter la joie, le plaisir, l’exaltation ou autre émotion positive. N’est-ce pas mère Teresa qui disait que le but de la vie sur Terre est « d’aimer et d’être aimé » ? Autrement dit, de profiter de cette occasion qui nous est donnée de relier sens rationnel et sensation physique, avec une pointe sentie de spiritualité selon les croyances de chacun.

La sonde Perseverance nous enseigne aussi, et son nom est bien choisi, qu’il faut patience, travail assidu et temps pour contenter notre quête de sens.

Et qui sait ? Il est possible que l’on apprenne plus ou moins que les objectifs préétablis avant d’entreprendre cette grande conquête d’une planète voisine du système solaire.

Parce que le succès vient de cette identification des objectifs : sont-ils réalistes ? Avons-nous les moyens des ambitions générées par ces objectifs ? Quelles sont les probabilités de succès de cette expérience ? Il n’y a rien d’aléatoire aux choix de nos visées, qui doivent s’insérer dans un plan plus large, de notre velléité plus élaborée de connaître, de définir, d’expliquer et d’insérer notre activité humaine.

Perseverance s’est posée et on s’est extasiés quelques instants sans trop comprendre ou reconnaître l’ensemble des facteurs qui nous ont menés là. N’est-ce pas comparable à notre expérience avec la COVID-19 ?

Le 11 mars, une seule minute…

Une minute de silence et de recueillement, passée à sentir le deuil, à « sympathir » (souffrir avec l’autre), à constater les vicissitudes de notre condition humaine et le grand nombre de gens décédés et d’endeuillés. Une minute à ressentir. Comme si notre recherche d’émotion ne savait plus prendre le temps. À l’instar de notre manque d’attention de plus en plus prononcé, généré par la multiplicité des stimulants, par le débordement d’informations plus ou moins pertinentes, mais cherchant plus à nous ramener à notre quête de sensations plutôt qu’à notre devoir de connaissances. Parce qu’en une minute, on n’a pas le temps d’apprendre grand-chose…

L’individualisme qui définit de plus en plus notre société et la générosité qui se veut maintenant moins altruiste qu’intéressée seront-ils commentés péjorativement par les historiens de demain ?

Une société ayant subi les pires pertes de vie de son histoire s’est arrêtée une minute. Pour réaliser l’ampleur de la perte, pour souligner notre parcours en pandémie. Et puis quoi ? À bien des égards, cette commémoration succincte suggère d’une culture de l’oubli.

Jacques Ferron, médecin, écrivain et journaliste, a écrit : « À l’oubli succède l’indifférence de l’oubli, comme un écho muet qui prolonge la durée et augmente l’espace de l’oubli. » Il est à souhaiter que notre quête collective de sens ne s’arrêtera pas à cette minute de silence, que l’émotion générée par cet acte ne sera pas qu’instantanée et que notre société s’obligera à un examen rationnel des conditions qui ont mené à tant de décès et au cheminement qui aurait été préférable pour les éviter.

Perseverance s’est rendu à bon port après des années de préparation et des mois de vol solitaire après l’envoi initial. Et l’émotion a été au rendez-vous pendant quelques instants seulement. La COVID-19 a ravagé des familles et l’ordre social pendant un an. Nous nous sommes attendris une minute. Comment collectivement continuer à nous souvenir pour assurer la suite et éviter l’indifférence de l’oubli ?

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