Force est de constater que depuis plusieurs mois, le thème de l’exploitation sexuelle des mineurs a été sur toutes les tribunes. Le 3 décembre dernier, après 18 mois de travail et d’enquête, la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs rendait son rapport. Trois mois plus tard, la question se pose : où en est-on avec ses 58 recommandations ?

Véritable onde de choc non seulement pour les parents, mais également pour l’ensemble du Québec, l’exploitation sexuelle des mineurs et leurs disparitions constituent un fléau qui continue à gangrener notre société.

Modus operandi de l’exploitation sexuelle des mineurs

La traite des jeunes à des fins sexuelles englobe le fait de les recruter, de les abriter, de les protéger, de les transporter, ou encore, de vendre un enfant mineur à des fins d’acte sexuel commercial. Profitant souvent de la vulnérabilité de l’enfant, les proxénètes emploient la pression psychologique et l’intimidation pour le contrôler et profiter monétairement de son exploitation sexuelle. Par ailleurs, les personnes qui font appel aux services sexuels de jeunes d’âge mineur sont issues de tous les milieux socioéconomiques, culturels ou ethniques.

Des ressources adaptées existent

En 2017, dans le cadre de la prévention des fugues et de l’exploitation sexuelle des jeunes, le Réseau Enfants-Retour a mis en place le programme AIMER (Affirmation, Image de soi, Mettre ses limites, Égalité, Relations saines). Ce programme, destiné aux préadolescents de 8 à 13 ans, est constitué d’un ensemble d’ateliers dont l’objectif ultime est de réduire de manière significative le nombre de jeunes et d’enfants victimes d’exploitation sexuelle. Pour ce faire, trois objectifs d’intervention ont été ciblés : favoriser le développement de relations saines et égalitaires, une utilisation saine et sécuritaire des réseaux sociaux et le développement d’une image de soi positive.

Déjà adapté pour s’adresser aux jeunes en questionnement sur leur identité de genre, AIMER rejoint aussi les jeunes à risque des communautés autochtones. En 2019, ce programme a été traduit en mohawk, inuktitut, cri et innu. Le programme offre également une formation aux intervenants et aux intervenantes des communautés autochtones afin qu’ils puissent eux-mêmes offrir des activités dans leur communauté dont ils ont une meilleure compréhension. Ceux-ci peuvent alors adapter les exercices selon les réalités de leur propre communauté et y ajouter leur touche par des jeux ainsi que des exemples.

L’importance d’un financement durable

Le Réseau Enfants-Retour agit à titre d’expert-conseil auprès des corps policiers sur les enjeux liés à la disparition et l’exploitation sexuelle des mineurs. Nous demeurons la seule organisation au Québec vers laquelle les familles peuvent se tourner lorsque survient la disparition de leur enfant. Or, le manque de financement de la mission constitue une source de préoccupation constante. Nous devons sans cesse faire des pieds et des mains afin de dénicher des sources de financement permettant de garantir annuellement la continuité de nos services.

Au cours des derniers mois, nous avons pris contact avec le gouvernement du Québec pour demander un financement durable qui contribuerait à renforcer nos capacités d’agir et de mieux répondre aux enjeux liés à l’exploitation sexuelle des mineurs et aux besoins des familles éprouvées par la disparition de leurs enfants.

L’urgence se fait davantage sentir en cette période pandémique caractérisée par une hausse considérable de cas d’exploitation sexuelle de mineurs, notamment sur les réseaux sociaux. Selon les données fournies par le Centre national de coordination contre l’exploitation des mineurs de la GRC, une augmentation de 36 % des signalements a été observée de mars à mai 2020 ! 1

Nous demandons donc au gouvernement du Québec d’instituer la recommandation n° 19 du rapport de la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs qui prévoit une réforme de la formule de financement des organismes qui privilégierait un financement à la mission plutôt qu’un financement par projet.

C’est maintenant qu’il faut agir, nous sommes prêts et souhaitons rappeler au gouvernement du Québec l’importance de soutenir la pérennité de notre mission et de prendre acte du rapport afin que nous continuions à contribuer à la sécurité et à la dignité de nos enfants.

1. > Lisez l’article « Les cas explosent » de nos journalistes Gabrielle Duchaine et Caroline Touzin

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