Ces dernières années, nous avons beaucoup parlé de l’importance de l’entrepreneuriat féminin. Nous avons évoqué son rôle de choix dans le développement économique d’une société moderne et paritaire, puis nous nous sommes félicitées du nombre croissant de femmes québécoises, innovatrices, qui ont misé sur l’aventure et se sont lancées en affaires.

Aujourd’hui, on peut dire que les femmes sont tout aussi nombreuses que les hommes à considérer l’entrepreneuriat comme choix de carrière. Mais une telle aventure n’est pas sans obstacle structurel.

La disparité qui existe entre les hommes et les femmes entrepreneurs, une fois le saut engagé en affaires, laisse perplexe. Seulement 16 % des PME du Canada appartiennent à des femmes, citait un communiqué du gouvernement du Canada. Avec la crise actuelle, nous craignons que ce fossé vienne se creuser davantage, car l’impact de la pandémie et l’effet pervers de certaines politiques fiscales du gouvernement du Québec n’épargnent personne, et encore moins les femmes.

Quand on regarde de près les secteurs sévèrement touchés par la COVID-19, autrement dit ceux qui ont subi les restrictions économiques le plus longtemps possible, on comprend que la pression exercée sur les entrepreneures est particulièrement forte. Pas plus loin qu’au mois d’août, l’Institut de la statistique du Québec dévoilait les secteurs qui ont connu les plus importantes baisses de revenus. Sans surprise, il s’agit des secteurs des arts, spectacles et loisirs, de l’hébergement et de la restauration, de l’industrie de l’information et de l’industrie culturelle ainsi que des services administratifs et des services de soutien.

Or, si l’on se fie à une étude du gouvernement du Canada, publiée en 2011, 62 % des PME détenues majoritairement par des femmes évoluent surtout dans les secteurs des soins de santé et de l’assistance sociale, de l’industrie de l’information et de l’industrie culturelle, et dans le secteur des arts, spectacles et loisirs.

Mentionnons aussi qu’elles sont plus nombreuses dans le secteur de l’hébergement et de la restauration et dans celui du commerce de détail que dans les autres sphères économiques comme la fabrication, l’industrie primaire ou la technologie.

En bref, les femmes, en raison des secteurs dans lesquels elles opèrent, sont plus vulnérables aux méfaits de la crise. Mais, comme pour tout problème, des solutions existent et celles-ci impliquent que le gouvernement du Québec accorde davantage d’intérêt aux défis auxquels les femmes sont exposées. C’est non seulement nécessaire pour préparer une relance inclusive, mais c’est aussi vital pour protéger le tissu économique riche et diversifié du Québec.

Pour y parvenir, aider les secteurs économiques les plus négativement touchés par la COVID-19 est un impératif. Mais ce n’est pas tout. Le gouvernement du Québec doit aussi s’intéresser à l’environnement fiscal imposé, car là aussi des barrières structurelles sont très présentes et elles sont exacerbées par la pandémie.

On peut tout de suite parler de l’injustice fiscale qui bloque l’accès au taux réduit d’impôt pour les plus petites entreprises des secteurs de la construction et des services lorsque celles-ci ne rémunèrent pas 5500 heures. On peut aussi ajouter que les crédits d’impôt, dont l’objectif est d’aider les entreprises à embaucher les personnes expérimentées et éloignées du marché du travail, ont les mêmes barrières à l’entrée.

Autant dire que c’est bien difficile d’y prétendre quand on sait que 59,2 % des entreprises détenues par les femmes canadiennes sont des microentreprises (de 1 à 4 employés), comparativement à un taux de 51,4 % pour les hommes, selon une étude du gouvernement du Canada.

Donc, si on récapitule, les femmes se trouvent non seulement dans des secteurs malmenés par la COVID-19, comme les services, mais elles sont aussi doublement visées par cette injustice fiscale parce qu’elles sont 15 % plus nombreuses que les hommes à être à la tête d’une microentreprise.

Plus encore, la COVID-19 a amené les entreprises à réduire le nombre de leurs employés et, du même coup, leurs heures rémunérées. C’est un fait qui a été décrit par l’Institut de la statistique du Québec. Ici encore – et logiquement –, les secteurs les plus touchés par la perte d’emplois sont aussi ceux qui sont très affectés par la crise. Les mêmes, donc, où nous sommes les plus représentées. L’impact ? Si, par malheur, une entreprise tombe en deçà des 5500 heures qui doivent être rémunérées pour accéder à la déduction pour petite entreprise, c’est une hausse draconienne d’impôt qui l’attend.

À la lumière de ces faits, nous, entrepreneures et auteures de cette lettre ouverte, demandons au premier ministre du Québec de tout faire pour aider les entreprises des secteurs durement touchés par la COVID-19. Nous l’invitons aussi à mettre immédiatement un terme à l’injustice fiscale unique au Québec, qui a assez duré. Ces actions sont plus que jamais vitales pour assurer une relance inclusive et pour protéger le progrès même vers une société juste et paritaire dont nous, Québécoises et Québécois, sommes si fiers.

*Cosignataires : Mélissa Ruest, Medivac-MR ; Magdalena Jacques, adjointe VIP ; Line Fellice, soins des pieds ; Line Dufour, artiste pour enfants ; Mélanie Bouchard, coach en entreprises ; Isabelle Dufour, coiffeuse ; Johanne Nadeau, esthéticienne

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