L’inclusion de la diversité en entreprise est devenue un sujet phare dans la sphère publique depuis 2020. On voit des conférences sur l’enjeu, des formations, des dossiers de presse et des annonces d’entreprises qui disent vouloir en faire plus en la matière.

Étant moi-même fondateur d’une agence de marketing numérique (​GLO​), j’ai décidé, avec mon équipe, d’implanter une méthode de recrutement prônant l’inclusion : ​l’anonymisation des CV. ​Les CV anonymisés permettent aux personnes responsables du recrutement de ne pas laisser parler leurs biais inconscients, notamment ceux qui font que l’on va vers des gens qui nous ressemblent. Emballée de pouvoir recruter une nouvelle cohorte de stagiaires de façon inclusive, mon équipe s’est toutefois butée à une embûche majeure : il n’existe aucune application ou logiciel permettant l’anonymisation des CV qui est financièrement accessible aux PME.

D’un côté, les grandes entreprises qui engagent plusieurs dizaines ou centaines de personnes par année peuvent se permettre d’investir dans des solutions intégrées de ressources humaines, qui offrent parfois cette fonctionnalité. Mais de l’autre, ces solutions représentent un gros montant pour les PME qui n’ont souvent besoin d’embaucher qu’une, deux ou trois fois par année.

C’est donc très surpris que j’en suis venu au constat que seules les grandes entreprises peuvent se permettre d’innover en matière de recrutement inclusif. Quelle déception !

L’anonymisation des CV est pratiquement toujours nommée comme une solution aux entreprises qui désirent réellement voir un changement dans leurs pratiques. Certes, le fait de ne pas connaître les informations sociodémographiques sur les candidats avant l’entrevue aurait clairement des impacts bénéfiques dans le recrutement de ces entreprises. Surtout quand on sait que les personnes issues de la diversité ont 60 % moins de chances de décrocher une entrevue à la simple vue de leurs noms​, selon des études réalisées à Québec et à Montréal. 1

Processus maison

Armée de patience et de résilience, notre équipe a tout de même décidé de créer un processus « maison » pour anonymiser les CV.

Nous avons créé un formulaire qui permettait de postuler sans que les candidates et candidats nous dévoilent toute information pouvant permettre de connaître leur profil sociodémographique. C’est seulement après une discussion téléphonique, sans connaître initialement le nom de la personne au bout du fil, que nous avons demandé à voir le CV des personnes retenues. De cette manière, nous avons pu échanger avec les candidats sur leur vision du poste, nous assurer d’une bonne compréhension mutuelle et sonder leur intérêt pour le poste.

Nous avons poursuivi le recrutement en ayant toujours au minimum deux personnes de notre entreprise présentes lors des entrevues pour, encore une fois, minimiser les biais inconscients.

Cette solution « maison » pour favoriser un recrutement inclusif a nécessité beaucoup de temps de réflexion et de mise en place.

Le temps, c’est souvent ce qui manque aux plus de 254 000 PME au Québec​2. Si celles-ci avaient accès à une méthode simple et abordable d’anonymisation des CV, nul doute que la diversité serait mieux représentée au sein des entreprises québécoises.

À qui la responsabilité, maintenant ? Les entreprises elles-mêmes ? Les gouvernements ? Si les PME pouvaient compter sur un soutien financier gouvernemental lorsqu’elles investissent dans des méthodes de recrutement inclusif, je suis persuadé que l’impact sur la représentativité serait important. Les PME représentent 99,7 % des entreprises au Québec et créent plus de 2,4 millions d’emplois dans le secteur privé. Si l’on réussissait à améliorer un tant soit peu les processus d’embauche pour ces 2,4 millions d’emplois, il va sans dire que les résultats seraient significatifs.

Alors que l’on approche de la fin du Mois de l’histoire des Noirs, je considère que les campagnes pour transformer des situations qui surviennent au quotidien revêtent une grande importance pour notre société. C’est en démocratisant des pratiques d’affaires inclusives que l’on ira vers une meilleure représentativité de la diversité en entreprise. Ça semble si simple sur papier, qu’est-ce qu’on attend ?

1 Lisez « Minorités visibles et problèmes invisibles »

2 Consultez les Principales statistiques relatives aux petites entreprises – 2020

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