Le coup de maître dans les annonces de François Legault la semaine dernière a sans doute été la réouverture des musées. Quelle ironie que cela ait été l’institution culturelle la plus élitiste, la plus ennuyante penseront certains, qui en soit venue à incarner une joie de vivre essayant laborieusement d’émerger à nouveau dans nos vies.

« L’homme ne vit pas que de pain. » Il est des moments où ce sont les choses non essentielles qui le sont le plus. François Legault semble l’avoir compris, alors qu’on était sous l’impression qu’avec son obsession pour l’école, qui l’honore, l’économie était sa seule priorité.

Cela dit, si magasiner ne constitue pas un projet de vie, ne boudons pas notre plaisir de pouvoir recommencer à le faire. C’est ce qu’ont oublié les chefs des partis d’opposition ne réalisant pas que ce n’était pas le temps, au lendemain des annonces du premier ministre, de jouer les pisse-vinaigre avec leurs demandes d’instaurer des barrages – encore ! – entre les régions.

On nous dira, bien sûr, que ce n’est pas le moment de se réjouir quand les variants ont ravagé le Portugal en un tour de main et que le Canada fait figure de pays sous-développé en ce qui a trait aux vaccins.

Peut-être, de fait, mangera-t-on nos bas dans deux semaines, ce qui rend d’autant plus précieux les espaces de liberté retrouvés dont on profite ces jours-ci.

Ne comptons pas trop sur certains experts pour nous remonter le moral. Une professeure d’université – « émérite », s’il-vous-plaît ! – déplorait samedi dans Le Devoir, d’un ton tranchant, souligne le quotidien, que « des personnalités politiques se soient fait le relais des interrogations de contre-experts et d’experts spontanés qui n’ont jamais travaillé dans le domaine et se prononcent ex-cathedra ».

Ex-cathedra ? Vraiment, madame la professeure émérite qui ne supportez pas la contradiction ? Pouvons-nous vous avouer que notre sympathie dans cette crise va aux malades, aux proches aidants, aux préposés aux bénéficiaires, aux infirmières, aux médecins. À tous ceux qui sont frappés par le malheur ou qui doivent prendre des décisions déchirantes, pas aux experts suffisants bien au chaud dans leur sécurité d’universitaires.

Sacrer son camp !

Mais revenons à la joie de vivre. Une bonne nouvelle en provenance d’Ottawa – eh, oui ! – a été que Justin Trudeau n’a pas cédé aux adjurations unanimes de la classe politico-médiatique québécoise, non seulement de continuer à empêcher les étrangers de venir ici, comme c’est le cas depuis un an, non seulement de contrôler strictement le retour des Canadiens qui sont allés à l’étranger, mais bien de nous empêcher de quitter le pays.

Wow ! Comme dans l’ex-URSS ! Comme si le Québec devait devenir une prison.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

« Vous en penserez bien ce que vous voudrez mais, quant à moi, un pays dont on ne peut sacrer son camp est sans intérêt », écrit notre collaborateur.

Les belles âmes qui nous cassent toujours les oreilles avec leur Charte canadienne des droits et libertés pour les motifs les plus frivoles ont semble-t-il oublié que le droit de sortir d’un pays est l’un des plus fondamentaux qui soient, un droit que l’on ne saurait suspendre juste parce qu’on a peur ou qu’on a besoin de boucs émissaires sur lesquels taper.

Vous en penserez bien ce que vous voudrez mais, quant à moi, un pays dont on ne peut sacrer son camp est sans intérêt. Que l’on impose 1000 tests et 20 quarantaines à ceux qui reviennent de l’étranger, pas de problème. Mais nous empêcher de sortir ? No way !

Comme l’a écrit Jérôme Blanchet-Gravel, un jeune intellectuel souverainiste : « Désolé, mais cette souveraineté de village effrayé, ce sera sans moi. »

De Punta Cana à Yogyakarta

Merci donc à Justin Trudeau de n’avoir pas fermé le frontières, un peu par principe, sans doute, mais aussi pour complaire à l’électorat ethnique libéral dont les liens avec l’étranger sont étroits.

Notons incidemment l’ingéniosité d’une quarantaine aisément supportable de trois jours à l’hôtel au coût de… 2000 $. Le Ritz Carlton sera-t-il réquisitionné ? Cela permettra en tout cas aux gens aisés, pour lesquels 2000 $ n’est pas grand-chose, de recommencer à voyager dans deux mois, une fois l’hystérie anti-voyageurs passée.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Le premier ministre Justin Trudeau

Quant aux autres Canadiens, coudon, ils resteront au Canada ! Dans cette pandémie, c’est devenu de toute façon une habitude de taper sur le monde ordinaire, ces colons adeptes des tout-inclus de Punta Cana incapables d’apprécier les délices de Barcelone ou de Yogyakarta.

Là, je recommence à devenir grognon, parce que je viens de lire que les funérailles d’un enfant mort dans un accident de motoneige ont fait l’objet d’une intervention policière à Coaticook à la suite d’une dénonciation. Une dénonciation…

Dixit le directeur de funérailles : « Le nombre de personnes était inférieur au nombre permis, on faisait respecter la distanciation sociale, la désinfection des mains et on donnait comme consigne de ne pas faire d’accolades ou de poignées de main. »

Bon, bien, il faut que j’aille magasiner au plus vite au cas où les commerces fermeraient à nouveau et me décider à revoir enfin ma dentiste.

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