Le gouvernement du Canada considère présentement la possibilité de financer un régime d’assurance médicaments universel public et à payeur unique dans les provinces, une proposition qui découle du rapport de la commission Hoskins et d’autres parties.

Fournir une assurance médicaments à tous les Canadiens est un but louable auquel souscrit l’Institut canadien des actuaires. Cependant, nous croyons qu’un régime d’assurance médicaments universel public et à payeur unique n’est pas le plus efficace. Nous le décrivons dans notre nouveau rapport1, « Régime d’assurance médicaments : Y a-t-il une pilule pour ça ? ».

Une assurance médicaments obligatoire permettrait certainement à tous les Canadiens d’avoir un accès facile aux médicaments dont ils ont besoin. Dans certains cas, elle permettrait même d’éviter d’avoir à soigner des patients avec des méthodes plus coûteuses (séjours aux urgences, visites médicales, etc.). Elle favoriserait également la productivité des travailleurs, une activité prolongée sur le marché du travail et la croissance économique.

Le modèle proposé par la Commission repose sur des projections de coûts et d’économies qui nous apparaissent très optimistes.

Il est particulièrement difficile de quantifier les économies systémiques attribuables à un meilleur accès aux médicaments.

Au Québec, le régime d’assurance médicaments en vigueur depuis plus de 20 ans ne permet pas d’identifier ces économies, car elles sont noyées dans les modifications apportées à la rémunération des médecins, les variations subies dans le personnel infirmier et les effets des nombreuses réformes appliquées au système de santé public provincial.

Les transferts fédéraux proposés par la Commission nous semblent sujets à caution. Rappelons que la part fédérale du financement de l’assurance maladie publique, qui était initialement de 50 %, n’est plus que de 23 % et que le gouvernement du Canada a refusé en septembre 2020 une demande du Québec et des autres provinces d’augmenter sa part de financement à 35 %.

De plus, leur modèle transfère au public le coût de l’assurance médicaments présentement payé par les employeurs et employés, coût qui augmente beaucoup plus vite que l’inflation, tout en écorchant au passage les assureurs qui perdraient un certain volume d’affaires.

Notre proposition

Au lieu de faire table rase, nous proposons de bâtir sur ce qui existe déjà, c’est-à-dire les régimes privés et publics actuels, pour en élargir la couverture à tous les Canadiens. On imposerait à tous ces régimes des paramètres communs d’un régime de base tels une liste nationale des médicaments à couverture obligatoire et des limites aux montants que les patients doivent payer de leur poche à titre de franchise et coassurance. Une telle approche ne serait pas sans rappeler celle qui est présentement en vigueur au Québec.

Le gouvernement du Canada assumerait la part du coût des médicaments des assurés des régimes publics et privés qui excéderait une limite prédéterminée. Il prendrait aussi en charge le coût de certains médicaments très coûteux, qui seraient inscrits sur la liste.

Ce serait un gain intéressant pour le Québec, où on estime que près d’une personne sur 20 serait touchée par une maladie rare qui requiert souvent des médicaments coûteux non couverts par l’assurance.

La liste nationale de médicaments à couverture obligatoire serait établie par un organisme composé de décideurs des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, d’experts du secteur privé et d’autres spécialistes. Il serait chargé de la négociation des prix des médicaments au nom des régimes publics et privés pour assurer la cohérence.

Que gagnent les Québécois, qui ont déjà un régime pas nécessairement parfait, mais néanmoins très efficace ? Le coût des grands utilisateurs de médicaments dans le régime public serait plafonné de sorte que la volatilité des coûts pour la province sera moins grande et les budgets, plus stables. Pour l’individu, le coût des médicaments absents de la liste actuelle de la Régie de l’assurance maladie du Québec, mais présents sur la liste nationale serait couvert.

En tablant sur les programmes actuels au lieu de repartir à zéro, on pourrait se concentrer plus rapidement sur ce qui importe le plus, soit l’utilisation optimale des médicaments pour traiter les maladies. Cela implique non seulement le volet assurance, mais aussi toute la question des habitudes optimales de prescription, basées sur l’évidence médicale, et les alternatives de santé publique à la prescription de médicaments.

Il reste un important travail à faire pour analyser et comprendre les projections à long terme afin de faire les bons choix. Pour cette étape cruciale, nous proposons de mettre sur pied un groupe de travail composé notamment d’experts du domaine de l’assurance, de représentants des employeurs, de représentants des gouvernements et d’actuaires.

D’un point de vue actuariel, nous considérons que le modèle de régime d’assurance médicaments que nous proposons favoriserait une meilleure espérance de vie et, plus important, une meilleure espérance de vie en santé à travers le pays : c’est une amélioration dont même les provinces disposant déjà d’un régime d’assurance médicaments pourraient bénéficier.

1 Consultez le rapport de l’Institut canadien des actuaires

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