À une époque dans laquelle les crises sanitaires et environnementales dominent fortement la sphère publique, le Mois de l’histoire des Noirs rappelle particulièrement les sombres luttes environnementales et sanitaires passées, présentes et persistantes auxquelles sont confrontées les communautés racialisées depuis bien avant la pandémie.

Le lien historique entre les mouvements des droits civils et de la justice environnementale est largement reconnu, mais ces luttes ont été de plus en plus cloisonnées au fil du temps. Alors que les lois et réglementations environnementales ont connu une croissance exponentielle depuis les manifestations NIMBY (Not In My Backyard/Pas dans ma cour) des années 1970, les préoccupations des communautés racialisées ont rarement, voire jamais, été au premier plan. Au contraire, la gouvernance environnementale et les règlements de zonage ont été, et sont toujours, largement déployés contre les intérêts des communautés noires, autochtones et immigrantes partout en Amérique du Nord.

Au Canada – pour ne pas mentionner le Québec, qui nie obstinément à ce jour l’existence du racisme systémique sur son territoire –, nous avons fait de grands progrès pour reconnaître et rectifier la discrimination systémique qui a proliféré pendant des siècles de colonialisme et de croissance fondée sur l’exploitation sans entrave des ressources naturelles.

Mais nous sommes encore très loin du point où nous devrions être dans notre cheminement vers l’égalité et la justice environnementale.

En décembre dernier, les chercheuses Amanda Giang et Kaitlin Castellani, de l’Université de Colombie-Britannique, ont publié des résultats de recherche indiquant que le fardeau cumulatif de la pollution atmosphérique dans les trois plus grandes villes du Canada (Vancouver, Toronto et Montréal) affecte de manière disproportionnée les communautés racialisées. Dans le cas de Montréal, ce sont les communautés d’immigrants qui souffrent le plus. Ces disparités dans l’exposition à la pollution de l’air ne révèlent qu’une dimension de l’injustice environnementale affectant les communautés racialisées de notre métropole, ce qui est tout à fait inacceptable en 2021.

En effet, ces iniquités environnementales sont le boulet invisible que doivent traîner les communautés racialisées depuis la nuit des temps.

Mais il y a lieu de garder espoir pour la suite : la consultation sur le racisme et la discrimination systémique, créée après la mobilisation remarquable de l’organisme communautaire Montréal en Action et de ses plus de 20 000 alliés, a mis en évidence la nature intersectionnelle des luttes pour la justice sociale, sanitaire, économique et environnementale. Publié en juin dernier, le rapport résultant de la consultation met en évidence la répartition inégale des ressources publiques à Montréal, soulignant que les quartiers les plus pauvres (et les plus racialisés) reçoivent le moins d’investissements et de services publics, y compris en matière d’espaces verts. Il recommande à la Ville de prendre des mesures concrètes pour assurer l’équité territoriale dans la création d’espaces verts et l’entretien des parcs et des infrastructures. Il est maintenant temps que les bottines suivent les babines, car il est clair comme le jour que nos approches en matière d’urbanisme nécessitent un changement de paradigme. Si nous apprenons, après la pandémie, que la plus grande richesse que nous pouvons donner à nos enfants est l’accès à la nature, l’air et l’eau purs, les arbres, la biodiversité et la protection de ces biens communs, nous devons également reconnaître que depuis des décennies, nous laissons derrière nous les enfants démunis et racialisés.

La vaste mobilisation des Montréalais sur le racisme et la discrimination systémique ces dernières années a conduit à la nomination d’un commissaire et nous a fourni une série de recommandations qui méritent une plus grande attention dans notre « relance verte », pour que cette dernière soit véritablement juste et résiliente. Alors que Montréal se lance dans la mise en œuvre de son ambitieux plan sur le climat et la révision de son plan d’urbanisme et de mobilité, et que le Québec – malgré son positionnement décevant sur le racisme systémique – entame ses consultations sur une politique nationale d’aménagement du territoire et d’urbanisme, espérons que l’équité environnementale et la justice sociale seront des paradigmes de premier plan dans l’avenir que nous sommes en train de tisser… un meilleur avenir non seulement pour une part privilégiée de la population, mais pour nous toutes et tous.

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