Les patients du système de santé sont avant tout des résidants du Québec. Des résidants, citoyens, appelés à prendre les meilleures décisions possible pour leur propre santé ou celle de leurs proches. Pour faire les choix les plus éclairés qui soient, il faut être dûment informé.

Il y va donc de l’intérêt public de savoir ce qui se trame dans nos organisations publiques de soins, qu’il y ait pandémie ou non. C’est le rôle du journaliste de rapporter ce qui se passe dans le réseau de la santé. Dans le contexte actuel de cette fatigue pandémique que beaucoup d’individus ressentent, nos choix sont plus que jamais tributaires de cette information de qualité. L’information, c’est la pierre d’assise de notre « santé » collective et démocratique.

Si les précautions sanitaires sont prises et respectées à la lettre par les journalistes et qu’ils sont bien accompagnés pour circuler dans ces établissements, il n’y a pas de raison pour que la propagation du coronavirus augmente.

En ce moment, le droit à l’information et la liberté de la presse pèsent plus lourd dans la balance, sinon autant que la santé publique.

Lorsque le DHoracio Arruda prétend que ce n’est pas juste ou équitable pour les proches des familles de permettre l’accès des médias aux milieux de soins, il fait une comparaison boiteuse, car il compare le droit à l’information – un droit public – aux droits individuels. Même s’il est certes fâchant pour certains proches d’être privés de cet accès, cela n’a rien à voir avec le droit à l’information. Et dans des cas d’extrême nécessité, lors de l’imminence de la mort d’un proche hospitalisé, par exemple, les gens peuvent désormais se présenter à l’hôpital pour accompagner leur parent vers son dernier repos.

Le journalisme est un métier de débrouillardise. Depuis mars dernier, les journalistes québécois exercent leur métier de leur mieux, mais la réalité pandémique des milieux de soins n’est rapportée que de façon parcellaire. Pourtant, mieux vaut avoir les faits sous les yeux plutôt que de se les faire rapporter au téléphone par les représentants des communications.

La crainte de la critique

Les organisations de la santé ont elles aussi un intérêt dans leurs relations avec les médias : démontrer qu’elles sont de bonnes gestionnaires des deniers publics en toutes circonstances. Leur crainte de se faire critiquer à cet égard est souvent immense. Si le journaliste doit chaque fois passer par la direction des communications d’un établissement pour obtenir l’information qu’il recherche, il se retrouve toujours plus éloigné des faits observables et vérifiables. Des spin doctors, malheureusement, il y en a aussi dans ces organisations, et pas que dans les hautes sphères politiques. Le journaliste doit toujours pouvoir confronter ce qu’on lui rapporte, même si les professionnels des relations publiques et des communications qui œuvrent dans ces établissements sont généralement de bonne foi et coopératifs.

Il est important de pouvoir interviewer « sur le terrain » de la santé les médecins, qui ne sont pas à proprement parler des employés officiels des hôpitaux, mais aussi les pharmaciens, les préposés aux bénéficiaires, les inhalothérapeutes ou encore les techniciens à la salubrité.

Pourtant, depuis des décennies, on menace de sanctions – et parfois de renvoi – ces employés non médecins qui « osent parler aux médias », sous prétexte de bris de loyauté envers l’employeur.

C’est une omerta qui n’a pas sa place dans une société comme la nôtre. Faut-il rappeler que la loyauté des professionnels et travailleurs de la santé – tout comme celle des journalistes, d’ailleurs –, c’est d’abord au public qu’ils la doivent ?

Certes, il ne faut pas produire cette information n’importe comment, et pas à tout prix non plus. La documentation doit avoir pour but unique de rapporter les faits essentiels à la compréhension du public et non la recherche de la primeur fracassante. En cette ère d’information continue, il est important de le rappeler aux patrons de presse. Avoir des images ou de la vidéo pour « avoir des images ou de la vidéo » n’est pas ce qui doit guider la démarche journalistique en milieu de soin, car ces images comportent souvent des enjeux de confidentialité. Il faut donc : un, aller à l’essentiel, et l’essentiel seulement. Deux, respecter la confidentialité en tout temps dans ses écrits ou ses photos. Trois, éviter le sensationnalisme et les images-choc ayant pour but de « frapper l’imaginaire ». Il en va de la respectabilité du métier de journaliste et du respect des patients et travailleurs de la santé.

Les patrons de presse ne devraient évidemment pas obliger les journalistes à pénétrer dans les milieux où le coronavirus est présent, peu importe les impératifs du média en question. Heureusement, la plupart des grandes entreprises de presse ont de rigoureuses normes éthiques à cet égard. Si un journaliste souhaite toutefois exercer son métier, celui d’informer le public, il ne devrait jamais en être empêché, tout comme on n’empêcherait jamais une infirmière de soigner son patient.

Le public est un patient dont on doit prendre le plus grand soin… et cela passe par son droit à l’information.

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