Ces derniers jours, on se croirait dans un monde dystopique. La deuxième vague et les mesures sanitaires frappent la population québécoise de plein fouet. Il n’y a pas une journée qui passe sans qu’on entende parler de décès, de problèmes de santé mentale, de la fragilité de notre système de santé et de son personnel à bout de souffle. Ce même personnel doit maintenant se rendre à l’hôpital (s’il a pu en sortir la veille) sous les huées du mouvement anti-vaccination et se fait accuser de crime contre l’humanité.

À la suite du resserrement des mesures sanitaires, ceux qui respectent les règles cherchent à comprendre les raisons de ce choix. Il devient alors facile de blâmer les jeunes. La couverture médiatique récente de leurs voyages dans le Sud et de leurs soirées entre amis y participe probablement. On se dit qu’ils ne se préoccupent pas de la COVID-19, puisqu’ils sont moins à risque de complications.

Or, un large pan de cette jeunesse prend la situation sanitaire très au sérieux. C’est notamment le cas de la relève en santé et en services sociaux, qui pose tous les jours des actes inspirants.

Elle tente à la fois de combattre la mésinformation sur les médias sociaux et d’éduquer à propos de la pertinence du vaccin, des moyens limités du réseau et de l’impact des mesures sanitaires sur la santé publique.

Sa motivation – inépuisable – fait sûrement partie des raisons qui l’a fait s’engager dans ce domaine.

Depuis bientôt un an, on demande aux travailleurs en santé et en services sociaux de se donner corps et âme pour limiter l’hémorragie qui fragilise notre société. Cet effort nécessite une adaptation constante de leurs pratiques et de nombreuses heures de travail supplémentaires, parfois obligatoires. Le tout dans un contexte à risque : d’attraper la COVID-19, oui, mais aussi de souffrir de dépression, d’épuisement, de décrochage scolaire et professionnel, et plus encore. On se dit que ces maux peuvent être ignorés le temps de la crise. Que leur traitement n’est pas prioritaire.

Manque de reconnaissance

Ces problèmes touchent la relève en santé et en services sociaux durement. À l’université, l’enseignement à distance est omniprésent (même pour certains cours pratiques), les stages sont modifiés (ou annulés faute de ressources), les centres sportifs sont fermés et les services de soutien psychologique débordent.

Au travail – contrecoup du principe d’ancienneté –, c’est la relève qui est au front du chaos alors même qu’elle ne maîtrise pas encore les rouages de l’emploi.

Par analogie avec le concept d’écoanxiété, soit l’angoisse et l’impuissance face aux changements climatiques, le diagnostic de la relève en santé et en services sociaux est clair : elle est en pleine crise de coronanxiété. Malgré ses efforts colossaux, il est difficile de voir des progrès contre le virus. Combinée aux jugements sur l’irresponsabilité des jeunes et au manque de reconnaissance de leurs sacrifices, il n’est pas surprenant qu’elle ressente un mélange de peur, de colère et de tristesse face à l’avenir.

Si rien n’est fait pour soulager les symptômes de la relève, c’est son avenir et celui du système de santé et de services sociaux que nous amputerons bientôt.

* Yan Bertrand est physicien médical et candidat au doctorat en santé publique. Le FRESQue est une organisation représentant près de 40 associations étudiantes universitaires en santé et services sociaux au Québec, et portant des idées pour un système de santé plus équitable, accessible et durable.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion