En réponse à la chronique de Francis Vailles, « Être malade au travail coûte bien plus cher au Québec »*, publiée le 19 janvier

La chronique de Francis Vailles publiée dans le numéro de La Presse du mardi 19 janvier a le mérite de révéler clairement le réel objectif du projet de loi 59 sur la réforme du régime de santé et sécurité du travail : faire économiser des centaines de millions de dollars aux patrons.

En remâchant l’argumentaire réalisé pour le compte du Conseil du patronat, le chroniqueur tente de montrer à quel point le régime actuel serait trop coûteux pour les employeurs, plus précisément 640 millions de dollars de plus qu’en Ontario, sur un budget total de 3 milliards.

Or, l’analyse d’impact réglementaire réalisée par le gouvernement du Québec nous apprend qu’une fois la vitesse de croisière atteinte, après 10 ans, la réforme devrait permettre d’économiser 634,1 millions annuellement et de façon récurrente. C’est curieux comme les chiffres coïncident. Au cours des 10 premières années, Québec estime que sa réforme pourrait générer des « économies » pouvant atteindre 4,3 milliards.

Derrière cette ponction de 20 % dans le régime, des travailleurs malades et accidentés écopent. C’est autant de travailleuses et de travailleurs qui tomberont entre les mailles d’un système qui aura été détourné en pleine pandémie afin de ne plus les protéger, et ce, tout particulièrement parmi les 60 % de non-syndiqués qui n’ont pas les moyens de se défendre.

Ces économies signifient qu’on renverra des travailleuses et travailleurs âgés atteints de cancer sur le marché du travail, malgré leur maladie, à défaut de quoi ils risquent de devoir se tourner vers l’aide sociale.

Des travailleuses et travailleurs atteints d’un cancer professionnel qui ne seront plus indemnisés parce qu’ils ont déjà fumé.

Il y a des sourds qui ne seront pas indemnisés parce qu’ils ne sont sourds que d’une oreille, d’autres qui ne pourront voir leur surdité reconnue parce qu’elle s’est déclarée trop longtemps après leur exposition au bruit.

Réadaptations écourtées et antidouleurs

Derrière ces économies, il y a des traitements en moins pour des travailleurs accidentés ou malades, parce que la législation permettra de limiter un nombre de traitements maximal, peu importe que ce travailleur soit guéri ou non, peu importe qu’il soit allé au bout de sa réadaptation ou pas. Il y a aussi des travailleuses qui seront forcées de retourner au travail avant le feu vert de leur médecin, quitte à être bourrées d’antidouleurs pour tenir le coup.

Il y a des travailleuses enceintes qui ne pourront avoir droit à un retrait préventif, parce que leur médecin n’aura plus la marge de manœuvre pour le prescrire en fonction de leur condition spécifique et du milieu de travail.

Au-delà des froides comparaisons, est-ce qu’on veut vraiment un régime plus inhumain, plus injuste ? Un régime qui, comme dans le « modèle » des autres provinces canadiennes, entraîne une dépendance aux opioïdes prescrits pour tolérer les retours au travail trop rapides.

Ce que propose le gouvernement, et incidemment le Conseil du patronat à qui Francis Vailles fait la part belle, c’est un régime où des médecins choisis unilatéralement par l’employeur font la pluie et le beau temps, au détriment des travailleurs et de l’avis des médecins qui les soignent pour vrai. Un régime qui rend plus difficile la reconnaissance des troubles musculosquelettiques et ne permet toujours pas de reconnaître adéquatement l’épuisement professionnel. Un régime qui réduit la prévention dans l’industrie lourde pour ajouter seulement une grosse demi-heure de prévention par mois ailleurs.

Sous prétexte de « dépoussiérer » la loi, cette réforme propose de mettre la hache dans la protection des travailleuses et des travailleurs accidentés et malades. Le tout, à la sauvette, en pleine pandémie, quand l’attention est retenue ailleurs.

*Lisez « Être malade au travail coûte bien plus cher au Québec »

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