Si la COVID-19 passera, il n’en va pas de même pour la vulnérabilité du français au Québec. Au vu de glissements en ce qui a trait à la langue de travail, des commerces et de l’interaction avec les institutions publiques, plusieurs en appellent à une réaction vigoureuse des autorités.

On sent une conjoncture favorable, alors que le dossier est piloté par deux jeunes ministres dynamiques, Simon Jolin-Barrette à Québec et Mélanie Joly à Ottawa, qui doivent composer avec le bon vieux défaitisme québécois, le déclin du français semblant impossible à contrer pour certains.

Trois thèmes apparaissent structurants dans ce dossier.

Claire prédominance du français

Le premier est crucial si l’on regarde non pas du côté du passé du Québec, mais bien de son avenir, même s’il peut sembler faiblard à première vue.

Il s’agit de l’importance que, pour la première fois dans une loi, soit affirmée la claire prédominance du français au Québec sans exclusion d’un anglais dont la présence n’est pas obligatoire, le qualificatif « claire » étant ici important.

En effet, qu’on le veuille ou non, l’anglais est présent dans notre société et il le restera, émergeant de multiples façons. L’expérience démontre que la meilleure façon de le contrôler n’est pas de le nier, mais de lui accorder une importance moindre qu’au français.

Faute de cela, parallèlement aux grandes déclarations sur le français seule langue officielle, on sombrera dans les faits dans un bilinguisme où les deux langues seront placées – au mieux – sur un pied d’égalité, le français étant de moins en moins la langue commune des Québécois.

Malgré sa quasi-absence du discours public, il est révélateur que la claire prédominance du français soit déjà appliquée sans problème par de très nombreuses entreprises, la légitimité pour le Québec de l’imposer ayant été reconnue par la Cour suprême en matière d’affichage.

Cette norme devrait être régulièrement martelée par les représentants de l’État québécois, de façon à devenir une évidence pour tous, son application n’ayant pas à être détaillée sauf exception.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Manifestation contre le racisme, à Montréal, en juin 2020

Rejet du multiculturalisme

Le Québec devrait profiter également de la révision de sa politique linguistique pour affirmer sans ambages son rejet du multiculturalisme sans limites à la canadienne.

Une raison en est que ce dernier place de plus en plus la majorité francophone sur la défensive en matière linguistique, nouvelle façon de la remettre à sa place. C’est ainsi que certains ont trouvé déplacé, tenant compte de l’importance supposément plus grande du Black Lives Matter, que des Québécois soient choqués par l’absence de français lors des grandes manifestations à Montréal contre le racisme.

Il faut affirmer dans une loi l’existence au Canada d’une société distincte québécoise caractérisée par une majorité francophone vers laquelle les nouveaux arrivants convergent sans abandonner leur culture d’origine.

La claire prédominance du français inhérente à cette société distincte aidera à ce que notre langue passe avant certaines pratiques associées au multiculturalisme à la canadienne. Attendons-nous sans cela à être de plus en plus confrontés au rabaissement du français sous prétexte d’ouverture à la diversité.

Cégeps

Ce fut en rétrospective une erreur de ne pas assujettir à la loi 101 ces institutions publiques d’enseignement que sont les cégeps, dont les étudiants sont à un âge décisif pour leur intégration à la vie adulte.

Cette erreur apparaissait tolérable aussi longtemps qu’une majorité des jeunes francophones et allophones choisissaient de poursuivre leurs études collégiales en français. Les derniers chiffres montrent un glissement net en ce domaine, la clientèle des cégeps anglophones étant désormais en majorité non anglophone, 20 % francophone et 38 % allophone (Le Devoir, 21 mars 2020).

C’est le temps ou jamais de réagir en appliquant la loi 101 au niveau collégial. Le ministre Simon Jolin-Barrette est en face de la dernière occasion de corriger une erreur historique dans un domaine de souveraineté exclusive québécoise.

Le ministre Jolin-Barrette, ou plutôt François Legault, faudrait-il dire, ce dernier ayant repris publiquement son ministre qui avait déclaré que l’application de la loi 101 aux cégeps était envisageable.

Réticent de façon compréhensible à toucher à une liberté existante, le premier ministre semble adhérer à une vision qui ne tient plus la route en cette ère d’internet dominée par l’anglais, où le libre choix au niveau collégial permettrait aux francophones d’apprendre l’anglais.

La réalité est que le Québec finance de plus en plus à grande échelle, de façon masochiste, le choix d’une grande partie des allophones et d’une partie croissante des jeunes francophones de s’intégrer à la communauté anglophone, comme le montre Frédéric Lacroix dans un ouvrage au titre malheureusement repoussoir (Pourquoi la loi 101 est un échec).

Un tel changement serait sans doute controversé, mais ce serait surtout le signe que la révision de la politique linguistique n’est pas que cosmétique, le Québec restant capable de s’attaquer à ce qui est véritablement déterminant pour l’avenir du français.

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