En réponse au grand nombre de cas quotidiens de COVID-19, le premier ministre Legault a présenté mercredi des mesures plus strictes pour lutter contre la contagion, qui comprend un couvre-feu en soirée, comme le recommandaient les autorités de santé publique du Québec. Si le couvre-feu est maintenant jugé nécessaire, c’est parce que l’appel lancé aux Québécois pour qu’ils cessent de rendre visite à leurs parents et amis vivant ailleurs semble avoir échoué.

À quelques exceptions près, le gouvernement a interdit les rassemblements privés intérieurs et extérieurs dans les régions et territoires en état d’alerte maximale (zone rouge) pendant la période des Fêtes (du 17 décembre 2020 au 10 janvier 2021, inclusivement). C’était une lourde demande de la part du gouvernement à un moment de l’année où tant de personnes attendent avec impatience de tels rassemblements – surtout dans les circonstances actuelles où nous cherchons le réconfort auprès des personnes les plus proches de nous. Il est clair que le gouvernement était sensible à ce besoin, comme en témoignent les exceptions autorisées aux règles sur les rassemblements, notamment les permissions accordées à une personne vivant seule et à une famille monoparentale avec un ou plusieurs enfants mineurs de rejoindre la bulle d’une autre famille (dans les deux cas, il fallait que ce soit toujours la même).

De toute évidence, pour de nombreux Québécois et Canadiens, la tentation de se réunir chez un ou chez l’autre à cette période de l’année était trop forte ou ils trouvaient déraisonnable de priver les gens de cette option.

Dans un sondage réalisé la fin de semaine dernière (2 et 3 janvier) par Léger et l’Association d’études canadiennes (AEC), 54 % des Québécois ont « déclaré » qu’ils n’ont pas effectué de visite à leurs parents ou amis vivant ailleurs. Un autre 46 % a donc reconnu avoir effectué de telles visites. La grande majorité de ceux l’ayant avoué a dit ne l’avoir fait qu’une seule fois. Ils se sont probablement persuadés que cette seule transgression était mineure. Bien sûr, le problème est que même un seul de ces actes encourage les autres à faire de même.

La proportion de Québécois ayant rendu visite à des personnes vivant ailleurs est probablement beaucoup plus élevée que ce qui est rapporté dans le sondage. Nombreux sont ceux qui hésitent à avouer aux enquêteurs avoir enfreint une directive gouvernementale. À la lumière de ce constat, Léger et AEC ont demandé aux personnes déclarant n’avoir rendu visite à personne hors domicile si elles connaissaient quelqu’un qui l’avait fait. La majorité a en effet reconnu qu’ils connaissaient des gens ayant agi de la sorte. Cet aveu laisse entendre qu’un pourcentage global plus élevé de ces visites s’est réalisé, avec pas moins de 75 % des Québécois ayant soit rendu visite à des parents ou à des amis vivant ailleurs ou connaissant quelqu’un qui l’a fait.

Pendant la fin de semaine du congé de Noël, la police de Montréal a donné relativement peu de contraventions pour des rassemblements illégaux et presque toutes ont été imposées à des bars et à des établissements commerciaux. Malgré l’ampleur de ces rassemblements résidentiels potentiellement illégaux, rares étaient ceux qui les ont signalés. Même si ce signalement était considéré comme un devoir civique, ce geste était également susceptible d’être perçu comme non conforme au bon voisinage. Pas étonnant que le gouvernement n’ait pas exhorté les Québécois à appeler le 911 pour signaler de tels rassemblements.

En tout cas, comme la police était probablement réticente à inspecter l’intérieur des maisons pendant la période des Fêtes, le gouvernement comptait fortement sur la population pour s’abstenir de son propre gré de toute activité non essentielle. Cependant, aux yeux de plusieurs, ces interactions étaient perçues comme essentielles. Le sondage Léger-AEC révèle que la majorité des Québécois qui reconnaissent avoir effectué « une » visite à leurs parents et amis à l’extérieur de leur domicile n’avaient pas peur de contracter la COVID-19. Mais le sondage montre également que ces mêmes personnes, tout comme les autres Québécois, sont peu confiantes quant aux perspectives de limiter la propagation de la COVID-19 au cours des prochaines semaines.

Ces jours-ci, au Québec, on voit moins d’arcs-en-ciel sur les façades des maisons et on entend moins le « ça va bien aller ». Le gouvernement est arrivé à la conclusion que nous ne sommes pas capables de faire suffisamment preuve d’autodiscipline et d’éviter de mettre notre vie et celle des autres en danger. Des mesures sont maintenant nécessaires pour contrôler certains comportements, et cela comprend désormais un couvre-feu. En fin de compte, cependant, le succès des mesures gouvernementales dépendra de nos choix et de nos comportements.

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