Les autrices s’adressent au ministre de la Justice du Québec, Simon Jolin-Barrette

Monsieur le Ministre, voici une lettre sous forme de souhait afin que l’année 2021 soit celle où une injustice vécue par les personnes vivant un problème de santé mentale dans leur relation avec le système judiciaire soit rectifiée.

Cette injustice concerne principalement la procédure par laquelle le tribunal peut forcer une personne qu’il estime représenter un danger pour elle-même ou pour autrui, en raison de son état mental, à être hospitalisée contre son gré. C’est ce qu’on appelle la garde en établissement, un mécanisme d’exception qui porte atteinte au droit fondamental à la liberté.

Saviez-vous que des groupes régionaux de promotion et de défense des droits en santé mentale ont été, à plusieurs reprises, empêchés d’accompagner au tribunal une personne faisant l’objet d’une garde en établissement — malgré la demande formelle de cette dernière d’être accompagnée par l’organisme — parce que le huis clos avait été décrété par le juge ?

Une manière de faire d’autant plus choquante lorsqu’on sait que les personnes qui reçoivent une requête pour garde en établissement sont très souvent non représentées par un avocat (plusieurs études le confirment).

Elles se retrouvent donc seules devant le juge et face à une partie adverse bien organisée. Nous sommes loin d’une défense pleine et entière !

Dernièrement, à l’occasion des travaux entourant l’adoption du projet de loi visant à améliorer l’accessibilité et l’efficacité de la justice (PL75), nous avons exposé les dérapages liés au huis clos dans notre mémoire. À ce moment-là, nous estimions que cette hérésie existait dans une seule région, mais il n’en est rien !

Dans les faits, le huis clos ne devrait pas empêcher l’accompagnement des personnes selon l’article 13 du Code de procédure civile qui définit les personnes pouvant assister aux audiences à huis clos. Parmi elles, on compte les personnes que le tribunal considère aptes à « aider » ou à « rassurer » la personne justiciable ainsi que toute personne dont la présence est requise dans l’intérêt de la justice. Les motifs de refus sont « si les circonstances l’exigent pour éviter un préjudice sérieux à une personne dont les intérêts risquent d’être touchés par la demande ou l’instance ».

Selon nous, l’article 13 est limpide. Alors pourquoi toutes les démarches régionales visant à faire rectifier la situation ont-elles échoué ? Serait-ce qu’en l’absence de balises très claires en matière de huis clos, certains tribunaux se permettent de nier le droit à l’accompagnement de la personne ?

Cette interprétation des tribunaux est clairement une limitation à la réalisation de la mission des groupes régionaux de promotion et de défense des droits en santé mentale du Québec, telle que décrite dans un cadre de référence ministérielle (2006).

Ce cadre de référence, dont la version initiale a été produite en 1990, définit le rôle de ces groupes comme touchant tout aspect légal pouvant affecter les droits des personnes vivant un problème de santé mentale.

L’un des rôles du groupe est d’accompagner les « personnes qui en ont besoin dans certaines de leurs démarches, particulièrement lorsque celles-ci doivent faire face à des tiers dans l’exercice de leurs droits ».

Il est clair qu’un justiciable risquant de perdre ses droits fondamentaux est une personne ayant besoin d’accompagnement !

En résumé, interpréter le huis clos pour empêcher un conseiller en défense des droits d’accompagner une personne au tribunal dans le cadre d’un rapport volontaire au groupe est un déni de droit. Le conseiller ne doit pas être traité comme un simple badaud de palais de justice !

Merci, Monsieur le Ministre, de voir à la réalisation de notre souhait pour l’année 2021.

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