Au moins un adolescent sur trois serait en échec scolaire*. Cela vous surprend ? Pour nous qui travaillons auprès d’eux, il n’y a malheureusement pas de surprise. Plusieurs adolescents, ayant perdu leurs repères pendant la pandémie, peinent à dormir, perdent l’appétit, n’arrivent pas à se concentrer, sont déprimés ou font plusieurs attaques de panique par semaine. Tout cela rend la rédaction de travaux scolaires et l’étude beaucoup plus ardues, voire quasiment impossibles.

Un bon nombre d’adolescents nous expliquent qu’il est plus difficile pour eux de se concentrer lors des cours en ligne comparativement aux cours en classe, qu’ils s’ennuient de leurs amis qui sont, à cet âge, essentiels à leur développement.

Les jeunes qui ont un suivi auprès d’un psychologue partagent leurs préoccupations liées à leurs études, à l’avenir, aux aînés qui les entourent, mais aussi leurs inquiétudes en lien avec leurs amis qui ne sont pas en mesure d’obtenir un soutien psychologique. Certains de leurs amis leur confient qu’ils s’automutilent ou qu’ils songent à s’enlever la vie, et ce, sans même que leurs parents le sachent.

En plus du stress de la pandémie, certains jeunes vivent donc avec des préoccupations additionnelles : est-ce que mon ami continuera à dépérir devant moi ? Sera-t-il encore en vie demain ? La majorité des jeunes qui demandent un suivi auprès d’un psychologue du réseau public de l’éducation ou de la santé n’en obtiennent pas dans des délais raisonnables ou n’en obtiennent carrément pas. Comment voulez-vous que ces jeunes puissent réussir à l’école alors qu’ils sont en train de se noyer ou qu’ils constatent, impuissants, la même détresse chez leurs amis ?

Connaissez-vous le ratio de psychologue par élèves dans les écoles au Québec ? Pour plusieurs centres de services scolaires, il n’y a qu’un psychologue pour plus de 2000 élèves.

Nous savons que le nombre d’adolescents en détresse élevée a doublé depuis le début de la pandémie atteignant au moins 60 % (La Tribune, 26 octobre 2020). Nous savons que plusieurs problématiques de santé mentale se développent à l’adolescence et que plus le traitement psychologique est offert rapidement, plus les chances de rétablissement sont élevées. Il est donc urgent d’agir. Si au lieu de fermer les yeux devant les problèmes d’accès aux psychologues, le gouvernement prenait des mesures, par exemple en attirant plus de psychologues dans les écoles, plusieurs souffrances et conséquences sociétales graves pourraient être évitées. Bien au contraire, présentement les psychologues sont de moins en moins présents dans le réseau public et rien n’est fait pour remédier à la situation. Ce ne sont pas les autosoins, une des voies valorisées par le gouvernement actuel, qui répondront aux besoins des jeunes dont la situation nécessite l’implication d’un psychologue.

Aider un parent

Par ailleurs, sachant qu’un adulte sur cinq présente des symptômes de dépression majeure et d’anxiété généralisée, les probabilités qu’un des parents de ces adolescents en détresse soit également en grande souffrance sont élevées. Auront-ils accès aux services psychologiques qui pourraient les aider et qui leur permettraient ensuite d’être plus disponibles pour leur enfant ? Nous l’espérons de tout cœur. Sachez que malgré les difficultés que vous rencontrez en naviguant dans le système public, vous et votre enfant êtes importants et que nous n’abandonnerons pas notre lutte pour rendre les services psychologiques plus accessibles.

Loin de nous la prétention de présenter ici l’ensemble des solutions qui pourraient aider nos adolescents ni tous les facteurs contribuant au taux d’échec scolaire élevé. Toutefois, une chose est sûre : les adolescents devraient pouvoir bénéficier de psychothérapie avant que leur souffrance devienne plus ancrée, plus complexe et, finalement, chronique. Actuellement, nous observons les inégalités se creuser : les parents ayant les moyens financiers, cherchent un ou une psychologue au privé alors que les adolescents qui n’ont pas cette chance verront leur état ainsi que leurs résultats scolaires se détériorer. Par exemple, des symptômes dépressifs légers qui auraient pu être traités avec de la psychothérapie, s’intensifieront et s’amalgameront avec un problème de toxicomanie et de violence. Cela changera complètement le cours de la vie de ce jeune et de ceux qui l’entourent. Il pourrait malheureusement s’agir de votre enfant ou de votre petit-enfant puisque personne n’est à l’abri de voir son bien-être psychologique perdre l’équilibre, surtout pas en plein cœur d’une pandémie.

* Cosignataires : Catherine Serra-Poirier, Connie Scuccimarri, Vickie Beauregard et Béatrice Filion, psychologues, membres de la Coalition des psychologues du réseau public québécois

* Lisez « Le tiers des élèves du secondaire pourraient être en situation d’échec »

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