Au début de la pandémie, quand la question a commencé à faire l’objet de discussions sur la place publique, on expliquait qu’il était difficile de mettre le bon prix sur les vaccins parce que c’est le résultat de dépenses souvent considérables en recherche et développement, et que la quantité de doses qui seraient vendues était alors inconnue.

Maintenant que les états financiers des sociétés pharmaceutiques sont publiés pour les neuf premiers mois de 2021, il est possible d’évaluer si le prix payé est acceptable.

La pharmaceutique Moderna est le cas idéal pour faire cette analyse. D’abord, ses activités et ses résultats sont concentrés autour du vaccin Spikevax contre la COVID-19. De plus, c’est le deuxième vaccin le plus vendu au Canada et on prévoit l’ouverture d’une installation au pays.

Les trois derniers états financiers trimestriels de Moderna (janvier à septembre 2021) permettent de constater que la marge bénéficiaire nette sur la vente de vaccins est d’environ 65 % alors que cette marge est en moyenne de 8 % pour l’ensemble des sociétés canadiennes. Concrètement, cela signifie qu’une fois payées toutes ses charges, lorsque Moderna en vend pour 1000 $, elle réalise un profit net de 650 $ tandis que la moyenne canadienne est de 80 $.

Bien sûr, il faut relativiser le tout, et il est normal que l’entreprise récupère les sommes consacrées à plusieurs années de recherche alors que, pour l’essentiel, elle enregistrait des pertes nettes. Or, même en considérant toutes ces dépenses de recherches et autres engagées par Moderna depuis le début de ses opérations, il y a une dizaine d’années, sa marge bénéficiaire moyenne sur la décennie demeure très élevée, autour de 43 %.

Bien qu’il nous soit impossible de connaître le prix que le Canada paie pour ses vaccins, les données fournies par Statistique Canada en début d’année permettent d’estimer le prix moyen d’une dose (Moderna et Pfizer associés) à environ 37 $. Si les contribuables jugeaient normale une marge bénéficiaire de 8 % et que, de son côté, Moderna l’acceptait en considérant toutes ses dépenses faites les années précédentes, cela voudrait dire que le prix de vente de son vaccin pourrait être aux alentours de 21 $.

Alors que le Canada a sécurisé plus de 100 millions de doses du Moderna d’ici à 2024, une telle baisse de prix se traduirait en une économie de 1,6 milliard de dollars pour le Trésor public.

En moins de 9 mois, Moderna a réalisé 7,3 milliards de dollars américains (environ 9,3 milliards de dollars canadiens) de profits en vendant son vaccin trop cher partout sur la planète. En payant sa juste part d’impôt, l’entreprise enverrait aux contribuables un prix de consolation, étant donné qu’une partie de ce butin retournerait dans les coffres de l’État. Malheureusement, le compte n’y est pas, puisque le taux d’imposition effectif de Moderna est actuellement de 7 %.

Pour la suite des choses, les Canadiens peuvent s’attendre à devoir assumer une facture de 10 à 20 milliards de dollars en vaccins d’ici à 2024. Il nous est donc fondamental de savoir le prix qu’on paie. De nombreux pays ont décidé de révéler cette information à leurs contribuables et le moment est sans doute venu pour le Canada de démontrer son leadership en matière de transparence.

Si le Canada négocie actuellement des cadeaux pour l’installation de Moderna sur son territoire, on peut se demander, au regard des résultats éloquents de la compagnie, si elle a encore besoin d’incitatifs pour s’y établir. La firme a reçu des autorités américaines 1 milliard de dollars américains (1,27 milliard de dollars canadiens) en subvention en 2020-2021, dont 473 millions de dollars américains (604 millions de dollars canadiens) dans les 9 derniers mois. Et avec le prix de vente trop élevé de ses vaccins et sa sous-imposition, on n’est pas loin de conclure qu’elle profite suffisamment du système.

Dès la fin septembre 2021, alors que Moderna connaît sa toute première année de bénéfice, l’entreprise a réussi à couvrir ses dépenses des 10 années précédentes, à stabiliser son niveau d’endettement à 2 %, et à multiplier par quatre l’avoir de ses actionnaires par rapport à la fin de 2020. Malgré ces résultats exceptionnels, elle a décidé d’augmenter le prix de son vaccin de 20 %.

Visiblement, les affaires sont les affaires, et il serait illusoire de croire que l’appât du gain est moins important lorsque le produit vendu est destiné à la santé. Mais il y a des limites à fixer. Les générations futures devront vivre avec la dette accumulée durant la pandémie et nous avons le devoir de nous assurer que ces pharmaceutiques milliardaires nous vendent au bon prix ces vaccins et paient leur juste part d’impôt.

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