Ces dernières années, on a commencé à reconnaître que l’épuisement professionnel augmentait de façon exponentielle dans le secteur de la santé, et la sensibilisation du public à cet épuisement ainsi qu’à d’autres problèmes de santé mentale a progressé. Malheureusement, la réaction des gouvernements, des établissements de soins et des décideurs a été plus qu’inadéquate.

Au lieu de s’attaquer aux causes profondes de l’épuisement professionnel et de la détresse mentale du personnel, avant et pendant la pandémie de COVID-19, qu’a-t-on fait ? On a enseveli ceux-ci sous une avalanche de trousses et d’outils visant à aider le personnel à accroître sa résilience.

À première vue, fournir des ressources aux professionnels de la santé pour préserver ou améliorer leur santé mentale est louable. Qui pourrait s’opposer à cela ? Mais c’est la mauvaise approche au mauvais moment, et elle a des conséquences négatives.

Définir l’épuisement professionnel comme un manque de résilience est un exemple classique de culpabilisation des victimes. Cela revient à pelleter les causes, les effets et les solutions dans la cour des personnes qui souffrent du problème.

Soyons clairs : il n’y a rien de mal à offrir des formations ou des ressources tirant parti, par exemple, de la pleine conscience, du yoga, de la méditation, d’exercices de respiration ou de la visualisation pour renforcer la résilience. Ces outils peuvent être de précieux alliés pour faire face à la crise, et je suis sûr que bien des gens du secteur de la santé les utilisent et en apprécient les bienfaits.

Mais ce ne sont que des solutions provisoires.

Les trousses et les ressources en ligne pour accroître la résilience ne s’attaquent pas aux causes réelles de l’épuisement et de la détresse psychologique qui minent le secteur. Ces problèmes découlent des politiques et du système dans son ensemble, non pas des lacunes du personnel.

Parmi les groupes que je représente, les technologues en radiation médicale du Canada, qui administrent la radiothérapie aux personnes atteintes du cancer et s’occupent des radiographies, de la médecine nucléaire, de l’imagerie par résonance magnétique et des tomodensitogrammes, qui permettent aux médecins de poser leur diagnostic et de fournir des traitements médicaux, l’épuisement professionnel est endémique.

Promouvoir la résilience n’est pas une solution au manque de personnel, aux charges de travail déraisonnables ou aux congés insuffisants. Ce sont là les problèmes qu’il faut régler, et seuls les gouvernements, les employeurs et les dirigeants du secteur de la santé peuvent le faire.

Les décideurs de la santé aux niveaux fédéral, provincial et institutionnel doivent s’attaquer sérieusement à cette question. Ceux qui détiennent le pouvoir et l’accès aux leviers du changement doivent cesser de se cacher derrière des questions de sphères d’attribution ou de se concentrer uniquement sur les coûts pour justifier l’inaction.

La pandémie nous a montré que lorsque les gouvernements font face à une crise nationale, ils peuvent collaborer et surmonter d’énormes défis. Le Canada émerge de la pandémie affaibli, mais relativement indemne comparativement à d’autres pays. Nous devons cela en grande partie aux personnes qui œuvrent au cœur de nos systèmes de santé.

Quand on s’acharne à monter le son de la radio pour couvrir un bruit de moteur inquiétant, on finit par en récolter les conséquences. Si nous ne protégeons pas notre personnel de la santé comme un bien précieux, nous aurons des problèmes.

Nous traversons assez bien la pandémie, quoique le variant Omicron soit menaçant. Mais si nous poursuivons dans la voie actuelle, nous risquons d’écoper, y compris pour la prochaine urgence sanitaire. Et nous n’aurons nul autre à blâmer que nous-mêmes.

Il existe des remèdes à la situation ; ne la traitons pas comme une maladie incurable. Nous n’avons pas épuisé toutes nos ressources. Au contraire, nous commençons tout juste à poser le diagnostic.

Le personnel de la santé a besoin de bien plus que ce que nous faisons – et mérite que l’on déploie ces efforts. Nous devons à ces gens une ferme volonté d’agir pour préserver leur santé et leur bien-être, tout comme ils préservent les nôtres.

Nous avons l’obligation de nous attaquer aux problèmes systémiques qui minent le moral, la santé et l’état d’esprit de nos troupes du secteur de la santé.

Notre objectif ne doit pas se limiter à assurer leur survie : ces travailleurs et travailleuses méritent de s’accomplir.

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