Ce qui est le plus remarquable dans le rapport de la Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire, c’est que les cinq recommandations portent toutes sur la loi que la Commission propose. Pourtant, une telle loi saperait paradoxalement les résultats et les valeurs que la liberté universitaire est censée accomplir. En d’autres termes, une loi mettrait fin au débat même que la liberté universitaire cherche à protéger.

La loi est un instrument coercitif de l’État qui, conformément à la tradition politique libérale dans laquelle la liberté universitaire est ancrée, nécessite une justification. Si l’on se réfère à la section 4.6 du rapport de la Commission, « Nécessité d’une loi sur la liberté universitaire », la principale justification donnée est que les notions de liberté universitaire diffèrent dans leur signification et dans leur pratique selon les établissements québécois. Par conséquent, la Commission estime qu’une loi est nécessaire pour en assurer l’uniformité.

La Commission n’explique toutefois pas pourquoi une telle uniformité est souhaitable. En effet, si l’on pense à ce que l’uniformité représente – une destruction du dialogue et du débat –, le paradoxe du rapport est clair : tuer le débat sur la liberté universitaire au nom de la liberté universitaire. Plus paradoxalement, le président de la Commission, Alexandre Cloutier, a affirmé que c’était le moment de faire valoir l’idée qu’au Québec, nous avons « le droit de discuter de tout, de débattre de tout ».

Or, la recommandation de faire cristalliser une définition de la liberté universitaire par le truchement d’une loi empêchera la discussion sur la façon d’en défendre les valeurs de manière raisonnable et adaptée au contexte.

Ignorons l’éthique antilibérale d’une loi qui est censée protéger les principes libéraux et jugeons la loi selon ses propres termes. En examinant les questions détaillées dans l’annexe 2 du rapport « Évènements récents impliquant la liberté universitaire au Québec », nous voyons une variété de causes en jeu qui ne seraient pas clairement résolues par une telle loi. Un certain nombre d’évènements impliquent des chargés de cours, qui ne bénéficient pas des mêmes protections que les professeurs permanents.

Au cours des dernières décennies, les universités, par un souci de réduire leurs coûts, ont continué à faire largement appel à cette main-d’œuvre flexible. Cela a eu pour effet imprévu de rendre ces instructeurs jetables en situations épineuses de débat et de controverse. Au-delà du simple renforcement des protections à tous les niveaux d’enseignement, les départements et les facultés peuvent soutenir les chargés de cours au lieu de les laisser affronter seuls les problèmes.

Dialogue et droits

Considérons les cas où des étudiants ont fortement réagi à des supports de cours. Leur réaction fait partie de la sphère démocratique communicative, ce que les droits de la personne protègent. Des répliques lourdes de la part des administrateurs universitaires ou de l’État risquent de mettre fin aux occasions de dialoguer et d’apprendre. Dans d’autres circonstances, où la liberté de pensée et la liberté d’expression ne sont pas remises en cause, on pourrait s’accorder sur les bénéfices d’une loi. Mais ici on mine les valeurs qui sous-entendent notre objectif. L’adhésion aux valeurs du débat se fait par la facilitation d’eux-mêmes.

Plus important encore, on doit se rappeler que la loi ne peut pas remplacer les normes culturelles. Il faut plutôt réunir les actions et les expériences sociales dans toute leur belle complexité. Le rapport de la Commission est un document important dont le potentiel de susciter le débat est attesté par cette lettre même. Mais on ne peut pas permettre que la loi remplace le dialogue, que les tribunaux nous privent du courage d’en débattre.

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