Je suis psychologue. Et, depuis plusieurs jours, je suis consternée. Qu’est-ce qu’on a fait à nos garçons ? Qu’est-ce qu’on a fait pour qu’à 15-16 ans ils aient envie de tuer ? Qu’est-ce qu’on n’a pas fait pour qu’ils tuent ?

Ont-ils été intimidés, violentés, intoxiqués, manipulés, négligés, témoins de violence dans leur famille, dans leur communauté ?

Ont-ils été habitués à la violence, insensibilisés ? Ont-ils été trop longtemps laissés devant des écrans à tuer virtuellement, à voir des images hyperviolentes, des films avec des monstres démesurés et plein de téléséries avec des armes, des explosions, des fusillades, des meurtres, des viols, des suicides, des assassins, des vengeurs, des tueurs en série, des criminels, d’effroyables guerriers ? Ont-ils choisi (inconsciemment) de s’identifier au plus fort pour ne pas s’effondrer ? Ont-ils trop de modèles d’hommes, des idoles qui gueulent, sacrent, intimident, parlent de façon haineuse et font des menaces de mort ?

Le sait-on ce qu’ils vivent et ce qu’ils ont vécu ? Pourquoi tuent-ils ? Pourquoi tuent-ils si jeunes ?

Le sait-on ce que celui-ci, celui-là, ou cet autre enfant âgé de 7 ou 10 ou 14 ans vit chez lui, à l’école, dans son quartier ? Ce qu’il fait de son temps, ce qu’il ressent, comment il se voit dans le futur, ce qui le mène ou le mènera à vouloir tuer ?

Je voudrais qu’on prenne plus soin d’eux. Je voudrais qu’on les voie être ou devenir colériques, désabusés, agressifs, violents, fermés, déprimés, impuissants, mêlés, troublés… avant qu’ils pensent à tuer ou… à mourir.

Qu’on les voie tout simplement. Qu’on voie qu’ils existent avec leur misère et leur lourdeur. Qu’on les « dépiste » comme on dit en psychologie. Et qu’on sache prendre soin d’eux quand ils sont petits, et quand ils grandissent. Qu’on les aide là où ils sont la plupart du temps : à l’école !

Qu’il y ait dans ces écoles des « brigades » bienveillantes. Des équipes de psychologues, de travailleurs sociaux, d’orthopédagogues, d’orthophonistes, de psychoéducatrices, de sexologues, de conseillers d’orientation et d’infirmières qui travaillent ensemble pour aider les enfants et les adolescents.

Des professionnels suffisamment nombreux pour offrir des traitements individuels à tel enfant qui se croit « pas intelligent » parce qu’il a un problème de dyslexie ou un trouble d’attention, à tel autre qui a d’énormes difficultés à maîtriser ses impulsions, à tel autre qui est négligé ou mal encadré à la maison, à tel autre qui fait rire de lui parce qu’il a des difficultés de langage.

Des psychologues suffisamment nombreux pour faire non seulement des entrevues d’évaluations diagnostiques et des recommandations (comme c’est le cas actuellement), mais aussi des rencontres avec les enfants et les adolescents pour des soins préventifs et thérapeutiques. Des psychothérapies sans attente et sans frais pour les parents.

Ces services d’aide en milieu scolaire ont déjà existé. Je faisais partie d’un de ces groupes d’aidants. Nous avons fait des psychothérapies au primaire et au secondaire. Nous allions dans les familles. Nous avons formé des intervenants à des approches humanistes. Nous avons organisé des camps pour certains élèves à l’extérieur des écoles pour favoriser leur attachement aux autres et enrichir leurs compétences relationnelles.

Le problème de recrutement de psychologues en milieu scolaire a commencé il y a longtemps avec les coupes dans le secteur public. Et il s’est grandement accentué quand le diplôme pour devenir psychologue est passé de la « maîtrise » au « doctorat », allongeant la durée des études et décourageant plusieurs personnes à faire carrière dans ce domaine. À mon avis, il faudrait revenir à la diplomation de maîtrise pour réaugmenter le nombre de psychologues disponibles. Et remettre le profil « psychologie scolaire » comme option dans les champs spécialisés en psychologie. Voilà des demandes que je ferais à la ministre de l’Enseignement supérieur et aux porte-parole des autres partis politiques dans ce domaine.

Quant aux parents, ils doivent savoir que, réunis pour une cause, ils ont de grands pouvoirs pour influencer les autorités. Je les encourage à exiger des services professionnels rapides et gratuits dans les écoles dans le but de prévenir des mal-être et de très grands malheurs.

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